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L'enterrement

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AARON :

Je suis revenu observer Eva ces dernières nuits. Elle dépérit. Depuis que Chloé lui a annoncé la mort de sa mère, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle se laisse mourir, je le sens. Et pourtant, tant que son cœur bat, j'ai un infime espoir.

À de nombreuses reprises, j'ai senti cette envie brûlante de tout casser, de défoncer cette porte et de la prendre avec moi, de l'arracher à ce cauchemar. Mais chaque fois, je me retiens. Parce que ce n'est pas si simple. Je dois être stratégique. J'observe ce qui se passe autour, chaque détail compte. Une ronde s'est installée, les entrées du bâtiment sont surveillées comme si c'était une forteresse. Je serre les poings, frustré, mais je sais qu'il va falloir agir intelligemment pour régler cette affaire.

Le jour de l'enterrement arrivé. Je me prépare machinalement, sans réellement penser à ce que je fais, avec le cœur lourd et cette nervosité sourde qui ne me lâche pas. Je sais que je dois être présent. Non seulement par respect pour Eva, pour tout ce qu'elle traverse, mais aussi pour son père. James et Harper m'ont accueilli avec tant de chaleur dans leur maison, avec une bienveillance qui m'a profondément marqué.

Je ne peux m'empêcher d'espérer qu'Eva sera là. J'aimerais pouvoir lui dire quelque chose, n'importe quoi, ou simplement lui montrer que je suis là, que je ne l'abandonne pas.

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EVA

J'enfile un tailleur noir, simple, dans lequel je flotte à présent, comme si le poids que j'ai perdu, en même temps que mon appétit, me rappelait constamment combien tout m'échappe. Ce vêtement me paraît vide, à mon image. Vince, lui, est sur son trente-et-un, élégant d'une manière que je ne lui connaissais pas. Une élégance froide, calculée, comme tout ce qu'il fait. Il m'a répété au moins cent fois de ne pas adresser la parole à qui que ce soit. Je peux être présente à l'enterrement de ma propre mère, mais je dois rester une ombre. Invisible. Silencieuse. Il a été clair, terriblement clair.

"Tu es partie une fois," m'a-t-il lancé, "je ne tolérerai pas que tu tentes de fuir une seconde fois." Les conséquences, il les a sous-entendues avec cette menace à peine voilée. Elles seront lourdes, inévitables, si j'ose lui désobéir. Il ne m'accompagne pas seul, bien sûr. Deux de ses hommes sont là aussi, comme une garde rapprochée. L'air est lourd, étouffant. Mortel. C'est peu dire.

Cela fait déjà vingt minutes que je suis assise dans cette voiture, observant, à travers les vitres teintées, les gens qui se rassemblent au cimetière. Je vois ma famille. Tous unis, se soutenant dans cette épreuve insupportable. Et moi... Qu'ai-je fait de ma vie ? Comment ai-je pu être aussi aveugle, aussi stupide pour tout gâcher ainsi ? Comment ai-je pu faire de tels choix qui me conduisent aujourd'hui à assister à l'enterrement de ma propre mère, séparée de tous ceux que j'aime, en retrait, comme une étrangère lors du jour le plus sombre de ma vie ?

On m'aide à sortir de la voiture, car je n'ai plus de force. Plus rien en moi ne fonctionne correctement. Mon corps me trahit, et mon esprit est encore plus épuisé. Les larmes coulent doucement sur mes joues, sans bruit, sans sanglot. C'est une douleur sourde, continue, qui me déchire de l'intérieur. J'ai mal, tellement mal. Une douleur qui ne trouve pas de mots.

Je me tiens là, debout, à l'arrière de cette foule rassemblée pour dire adieu. Vince est à mes côtés, immobile comme une statue.

Mes jambes tremblent, comme si elles pouvaient céder à tout moment. Je suis prête à m'effondrer. Mon cœur, lui, se disloque lentement, morceau par morceau, alors que le prêtre commence à parler.

J'entends les sanglots de mon père, des pleurs qui me transpercent, réveillant une culpabilité insoutenable. Les cris de ma sœur, déchirants, résonnent dans l'air. Et au milieu de tout ça, je n'entends que le silence de mon âme. Un vide qui me consume.

Je viens à manquer d'air, comme si l'atmosphère elle-même me comprimait, m'empêchant de respirer. Je suffoque. Chaque inspiration est un combat. Je m'appuie contre le tronc d'un arbre, cherchant à ne pas m'effondrer complètement. Vince me propose son bras, un geste faussement bienveillant. D'un simple regard rempli de haine, je refuse.

Puis, quelque chose se passe. Soudain, mon cœur a un sursaut, une impulsion inattendue. Mes yeux se lèvent et rencontrent un regard, un regard que je reconnaîtrais entre mille. Des yeux gris, ancrés dans les miens. Mon cœur redémarre brutalement, si fort, si douloureusement que j'en ai presque le souffle coupé à nouveau. Il est là. Aaron est là, présent en ce jour où tout semble perdu. Il est venu, malgré tout, même après que je lui ai demandé de partir, de m'oublier, de vivre sa propre vie.

Mais il n'est pas parti. Il me regarde, et dans ce regard, je sens une bouffée de vie me traverser. C'est comme si ses yeux insufflaient en moi une énergie que je croyais disparue. Son visage est tendu, marqué par la douleur et l'inquiétude. Sa mâchoire est serrée, comme s'il retenait des mots, des émotions prêtes à exploser.

Alors que la cérémonie se poursuit, je vois Aaron avancer lentement, pas après pas, vers moi. Je suis bouleversée de le revoir, mon cœur se serre entre le soulagement et la panique. Vince est à côté de moi, et il l'a vu aussi. Chaque pas qu'Aaron fait semble rendre l'atmosphère plus lourde, plus tendue. Il fonce droit sur nous, ignorant tout ce qui l'entoure.

À cinq mètres de moi, je tremble, mes larmes resurgissent sans prévenir, des sanglots silencieux. Vince glisse sa main dans sa veste, et je comprends immédiatement ce qu'il fait. Je sais qu'il est armé, mais cela ne freine pas Aaron. Il continue d'avancer, imperturbable.

— (Vincent) Encore un pas, et tu prends une balle, murmure Vince, assez fort pour qu'Aaron l'entende.

Aaron ralentit, mais refuse de s'arrêter. Je sens l'air devenir plus oppressant.

— (Vince) Reste où tu es ! continue Vince, sa voix plus menaçante. Ne m'oblige pas à utiliser les grands moyens !

Aaron avance tout de même, mais Vince fait un signe discret à l'un de ses hommes de s'approcher, et à cet instant, je vois quelque chose changer chez Aaron. Son visage, si déterminé quelques secondes plus tôt, se décompose. Une peur palpable envahit ses traits. Il fixe l'homme de main de Vince avec une intensité qui me prend de court. Son assurance s'effondre. Il vacille, pétrifié, comme s'il était soudainement pris dans une terreur indescriptible. Je ne le connaissais pas sous cette facette.

— (Homme de main) Stop! Éloigne-toi !

Que se passe-t-il ? Pourquoi ce regard de haine mêlé de peur absolue ? Pourquoi face à Vince et son arme, Aaron restait confiant, et là, il s'effondre ?

Vince me prend brusquement par le bras, m'obligeant à tourner le dos à Aaron. Sa poigne est ferme, il me traîne vers la voiture. Je lutte intérieurement, déchirée, que ce passe-t-il avec Aaron?

Pourquoi Aaron s'est-il figé ainsi en voyant cet homme de main ? Pourquoi cette lueur de peur dans ses yeux, alors qu'il affrontait Vince avec tant d'assurance ? Il y a quelque chose de plus grand, quelque chose que je ne saisis pas encore, mais je sens que c'est crucial.

Je m'endors, emportée par l'épuisement, tant physique que psychologique. La fatigue est telle que je ne me souviens même pas du moment où mes paupières se sont fermées. Ce sommeil profond et inattendu a un impact profond sur moi. Je rêve de ma mère et d'Alessia, le premier amour d'Aaron. Comme deux anges gardiens, elles me fixent avec une détermination inexplicable, comme si elles tentaient de me faire passer un message, de m'insuffler une force inattendue. C'est comme si elles redonnaient vie à mon être épuisé, une lueur dans l'obscurité qui m'avait engloutie. Est-ce un rêve ? Je ne sais plus vraiment.

Je n'ai jamais rencontré Alessia, et pourtant, dans ce rêve, son regard me transmet une sérénité inexplicable, comme une promesse silencieuse que tout ira bien. Celui de ma mère, lui, m'apporte la force dont j'ai désespérément besoin. Ensemble, elles sont là, dans ce moment suspendu entre rêve et réalité, insufflant en moi quelque chose que je croyais perdu : l'espoir.

L'?vidence Où les histoires vivent. Découvrez maintenant