- Tu veux quoi cette fois ? demanda-t-il sans lever les yeux de la peau qu'il était en train de tracer.
- Comme d'habitude, laisse parler ton âme d'artiste ! Répondit Horizon avec un sourire entendu.
Alice s'était arrêtée un peu en retrait. Alphonse, lui, s'excusa rapidement :
- J'vais faire un tour. Je suis pas fan des aiguilles, et Y a un stand de bouffe près de la passerelle qui m'a fait de l'œil.
- Tu vas finir par servir de cobaye au secteur médical, marmonna Alice.
Il leva un pouce et disparut dans la foule.
Horizon s'installa près du tatoueur, discutant bas avec lui. Alice resta debout quelques secondes, observant les gens, les lumières, les banderoles accrochées entre les conduits, les suspensions, les fleurs synthétiques, toutes les petites touches humaines éparpillées dans chaque recoin.
Elle s'approcha doucement.
- Horizon...
La jeune femme leva les yeux.
- Ça te va si on passe voir nos mères ?
Le sourire d'Horizon se fana un peu, mais elle acquiesça aussitôt.
- Bien sûr.
Elles quittèrent le marché par un passage discret, glissant entre deux étals jusqu'à un couloir secondaire, plus étroit, dont l'entrée semblait presque oubliée. Peu de gens empruntaient encore cette voie, sauf ceux qui savaient ce qu'elle menait à.
La Galerie.
C'était une ancienne coursive de maintenance, condamnée officiellement, mais laissée vivante. Un sanctuaire.
Dès qu'on y pénétrait, l'air changeait. L'atmosphère devenait presque palpable, comme chargée d'électricité douce.
Les murs, du sol au plafond, étaient couverts de fresques, de motifs, de paysages et de rêves figés dans la couleur. L'empreinte de milliers d'âmes qui, un jour, avaient voulu laisser une trace. Chaque centimètre racontait quelque chose. Certaines œuvres étaient anciennes, patinées, tacitement intouchables. D'autres, plus récentes, vibraient d'une énergie naïve et lumineuse.
La lumière, filtrée par les conduites au-dessus, se réfractait sur les pigments, créant l'illusion d'un mouvement. À chaque pas, les couleurs semblaient onduler. Respirer.
Les murs vivaient.
Des silhouettes peintes semblaient tourner la tête. Des fleurs écloses paraissaient frémir au passage. Un oiseau stylisé ouvrait lentement ses ailes selon l'angle.
Le silence y était dense, mais jamais pesant. Un silence rempli. Nourri.
Alice et Horizon traversèrent religieusement.
Elles retrouvèrent leur coin. Une section ancienne, presque effacée. Deux visages, peints à main levée. Deux femmes, rieuses, heureuses. Un simple nom : Nadia & Sorelle.
Sous ce duo, une esquisse maladroite. L'une d'un chat biscornu, l'autre d'une fusée. À côté, deux simples lettres : A et H.
Horizon posa sa main sur la paroi, sans rien dire. Alice la fixa longuement, puis se tourna vers les fresques environnantes. Certaines, elle les connaissait par cœur. D'autres semblaient nouvelles.
Un bruissement discret attira leur attention.
Juste à côté, assise en tailleur, une jeune femme peignait une invraisemblable fleur aux pétales larges, travaillée avec une minutie presque hypnotique. Les dégradés s'animaient doucement à la lumière, comme si la fresque respirait au rythme du vaisseau.
Célia Thorn. Alice la reconnaissait. Elles avaient joué ensemble, autrefois, avant que la vie ne les sépare.
Sa natte sombre glissait le long de son dos, contrastant avec les côtés rasés de son crâne. Elle portait un débardeur simple, taché de couleurs, et un pantalon de travail aux genoux roulés. Son visage, bien que couvert de traces de peinture fraîche, restait impassible, concentré, fermé. Elle avait l'air d'avoir oublié le monde autour d'elle, toute entière absorbée par les courbes et les couleurs de sa fleur.
Elle ne leva pas les yeux, continua de peindre quelques secondes, puis déclara simplement :
- Vous pouvez rester.
Une pause, à peine marquée.
- Si vous vous taisez.
Alice et Horizon échangèrent un regard.
Et la Galerie se referma sur elles, les laissant savourer l'instant.

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Le Cycle de l'héritage. Tome 1 : L'ombre Du Mjolnir
Science FictionQuatre ados, un vaisseau en ruine, une quête millénaire. Ils sont l'ultime espoir de l'humanité... Encore faut-il survivre au voyage. ------ Prenez The 100, donnez-lui un cerveau, mixez avec Mass Effect, saupoudrez de Dune, trempez le tout dans une...
Chap?tre 4: Le couloir des ?mes
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