UNFAIRNESS

Yennefa.

L'atmosphère est lourde, pesante. Il s'échine à faire les cent pas, tandis que je reste enfoncée dans mon siège, telle une statue de marbre.

— Quelle était son identité ? profère sévèrement Kaleb en poursuivant sa marche dans son bureau, l'air songeur.

Il semble tendu, son regard ne se départit pas du sol.

— Isaac. Il se nomme Isaac Cruzado, réagit Iago, d'un ton ferme.

Les deux hommes fulminent presque hors d'haleine. Je déglutis, le cœur en proie au fiel amer, en entendant cette fausse identité.

— Je ne connais aucun de leurs motards qui portent ce nom, surenchérit Iago, dressé sur ses jambes.

Je baisse le regard sur mes mains que je triture entre elles, comme pour en chasser l'inquiétude naissante.

Je refuse de flancher et de laisser transparaître la moindre émotion.

— Cet enfoiré se protège avec une fausse identité, conclut Kaleb en passant un doigt sous sa barbe hirsute. Il peut être une menace si nous ne découvrons pas qui il est.

Kaleb marque une pause en plantant son regard dur sur son homme.

— N'oublie pas que nous devons avoir un coup d'avance sur ce groupe. Cela passe, en partie, par la connaissance de leurs pions lors des courses. Comment veux-tu que je sache qui ils envoient au prochain affrontement, si certains se drapent sous un masque d'anonymat ? Non, je veux les connaître, fouiller dans leur passé.

— Il est peut-être nouveau, suppose Iago.

Kaleb hoche la tête, sûr de lui. Il désigne du bout de l'index son bureau, là où scintille une bague en or.

— Dans mon tiroir, il y a un putain de dossier avec tous leurs motards et leurs futurs partenaires. La taupe que j'ai infiltrée dans leur groupe ne m'a jamais parlé d'un certain Isaac.

La taupe ?

— On ne triomphe jamais de ses ennemis sans les tenir à l'œil, insiste-t-il, le regard perçant.

Mon pouls s'accélère, butant contre ma poitrine.

J'assiste à la conversation, sachant pertinemment que s'ils apprennent que la personne qui se cache derrière cette identité est Ylass, c'en est terminé pour lui.

Il ne va pas seulement périr, non, ils le tortureront jusqu'à l'agonie.

— Trouve-moi cet homme, ordonne Kaleb. Je veux savoir qui il est et ce qu'il dissimule.

Iago ne répond pas, acquiesçant seulement avant de s'acheminer vers la sortie.

Je reste clouée sur le siège tandis que Kaleb rejoint une étagère. Il se sert un verre de whisky, le liquide ambré inonde le récipient.

Dans le mutisme omniprésent, Kaleb s'adosse contre son bureau, juste en face de mon fauteuil.

La porte du bureau claque sèchement derrière Iago, je déglutis.

Mes yeux retombent sur le chef du groupe qui amène la boisson à ses lèvres, prenant une grande gorgée. Son attention pèse sur moi, comme s'il cherchait à lire au-delà de mes yeux.

Car en réalité, ce qu'il cherche, c'est une faille, un doute, une sombre erreur de ma part.

Au début de la journée, quand on m'a annoncé que Kaleb me cherchait, je ne l'ai pas cru.

Mais me voilà à présent dans son bureau, attendant, telle une condamnée, qu'il prononce un mot. Ses iris verts se mêlent à moi.

— Ce 'Isaac', il ne t'a rien dit ? me questionne-t-il, les yeux plissés.