𝚁𝙾𝚂𝙴
Depuis notre retour à Los Angeles, Arès est de moins en moins présent à la maison.
Son père l'appelle constamment, ne lui laissant aucune seconde de répit. Et lorsqu'il rentre, il est exténué.
Malgré ses efforts pour passer du temps avec moi, ça devient difficile pour lui de suivre le rythme. Il y a même des jours où il ne rentre pas.
Ryan et Chavy essaient de combler le vide qu'Arès crée, mais ce n'est pas pareil. Et ce qui m'ennuie, c'est que je suis dans l'incapacité de faire quoi que ce soit pour l'aider. Je dois juste attendre que son père arrête de l'utiliser comme s'il était une machine de guerre à sa disposition.
Même s'il ne m'a rien dit de la relation qu'il entretient avec son père, j'ai bien compris que Giovanni ne le considère que très peu contrairement à ses autres enfants.
La seule chose qui me permet de rester patiente, c'est nos échanges par sms. Il ne répond pas toujours vite, mais il me répond et dès qu'il peut, il m'appelle. J'espère qu'il rentrera vite, sa présence me manque.
— Je crève de faim, s'exclame le blond, m'extirpant de mes pensées.
Je tourne le regard dans sa direction, rencontrant ses billes bleues. Ryan est affalé contre le sofa tandis que ses mains lui tiennent le ventre.
— Moi aussi j'ai faim.
Il se redresse, ses yeux brillant me scrutent et j'aperçois une lueur d'espoir les traverser.
— Tu sais faire à manger ?
Je secoue la tête, les lèvres plissées. A ma réponse, Ryan s'effondre de nouveau contre le canapé, déçu.
— Mais il y a des restes d'hier si tu veux, je propose.
Ses traits de visages se décomposent.
— Je veux un plat fraîchement préparé, moi, et ...
La fin de sa phrase m'échappe, déconcentré par la notification qui émane de mon téléphone. C'est un message d'Arès.
•> Prépare toi, j'arrive te chercher dans 5 min.
Les yeux ronds, je me redresse sur mes pieds, souriante à l'idée qu'on puisse passer du temps ensemble. Mon attention revient vers Ryan qui me fusille du regard.
— Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ? je demande, confuse.
Il croise les bras contre son torse avant qu'un soupir s'échappe de sa bouche.
— Tu m'écoutes même pas quand je parle, Arès déteint beaucoup trop sur toi.
— Pardon, mais il m'a envoyé un message disant qu'il venait me chercher dans moins de cinq minutes, donc tu pourras partir manger un plat fraîchement préparé, débité-je d'une voix douce.
A son tour, il se redresse, oubliant déjà sa rancune.
— Oh putain, pour une fois que je lui en suis reconnaissant. Tu vas te changer ?
J'acquiesce.
— J'y vais, fais moi signe quand il est là.
Il lève son pouce comme signe d'approbation avant de se laisser tomber de nouveau contre le dossier du canapé tandis que je file dans ma chambre. N'ayant pas le temps de choisir, je pioche les premiers vêtements que j'ai sous la main.
J'enfile un jean large bleu marine puis un pull blanc à col bardot, et quand Ryan hurle mon prénom, je comprends qu'il est arrivé.
Tous mes sens sont en alerte, je ne suis pas encore prête. Mes pas se pressent vers la salle de bain où je coiffe mes cheveux en un rapide chignon, laissant quelques mèches bouclés échappés de l'étreinte étouffante de l'élastique.
Après m'être lavé les dents, je vaporise du parfum sur mon cou et sur mon pull. Je quitte ma chambre dès lors que j'ai chaussé mes converses bordeaux.
Pressé de le voir, j'accourt presque vers les escaliers, cependant, je bouscule un torse dur et manque de tomber à cause de la brutalité de la collision. Ses mains me rattrapent à temps. Nos regards se croisent pour la première fois depuis des jours. Un sourire illumine mon visage ternie par son manque, et sans attendre, mes bras entourent sa nuque. Et comme si la peur qu'il s'envole rôdait sans cesse près de nous, prête à faire de ce moment un vil souvenir, mon étreinte se resserre davantage.
— Tu vas m'étouffer, Rose, souffle-t-il alors qu'il essaie de se détacher.
Oh...
Une pointe de déception me traverse dès que je comprends qu'il ne partage pas la même joie que moi.
— Pardon, c'est juste que tu m'as manquée, je me justifie, les doigts triturant le bracelet qu'il m'a offert.
Un maigre sourire étire les commissures de ses lèvres, puis il embrasse le sommet de mon crâne pour ne pas m'inquiéter de son attitude déroutante.
On dirait presque que c'est un fardeau de venir me chercher. Et même s'il a beau essayer de le cacher, j'ai appris à lire dans la profondeur de ses yeux et de tous ces gestes parasites qu'il commet lorsqu'il est anxieux.
Mais qu'est-ce qui le rend si anxieux ?
Ses iris noirs rencontrent à nouveau les miens lorsqu'il recule.
— Moi aussi tu m'as manqué, m'assure sa voix grave. On y va ? Je suis un peu pressé.
Muette, j' hoche la tête pour le suivre.
En bas de l'escalier, je découvre que Ryan n'est plus là. Sa voiture aussi n'est plus garé sur l'allée de la maison, seule le berline noir d'Arès nous attend encore à l'extérieur.
Dans le silence le plus absolu, nous montons à l'intérieur de la voiture avant de quitter dans un excès de vitesse fulgurant la maison.
Les retrouvailles auxquelles j'aspirais s'effondrent une à une. Quelque chose cloche.
L'angoisse qu'il tente désespérément de faire taire chemine jusqu'à mon cou où elle se transforme en un étau qui ne cesse de resserrer davantage sa pression.
Remarquant mon air absent, il pose sa main sur ma cuisse.
— Tu penses à quoi ? demande-t-il, les yeux rivés sur la route.
J'hausse les épaules, incertaine. Dois-je vraiment lui en parler ?
— À toi, dis-je avant de reprendre. A ton comportement aussi.
Arès reste interdit. Les secondes s'écoulent, et pourtant aucun mot ne traverse la barrière de ses lèvres. Il retire même sa main.
— Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Quelque chose qui t'as peut être mis en colère ? Parle moi, Arès.
C'est étonnant de voir à quel point mes peurs les plus terribles arrivent à refaire surface d'une facilité sans nom. J'ai le sentiment que ces dernières semaines ne sont que mirage et illusion éphémère auxquelles je suis abandonnée.
Comme un air de déjà vu, le pressentiment d'une descente imminente aux enfers comprime avec force ma poitrine tandis que j'attends une réponse de mon mari qui semble être condamner dans un mutisme effrayant.
— Arrête de t'inquiéter, finit-il par souffler. Tu n'as rien fait, c'est... il déglutit faiblement, c'est juste que je ne suis pas d'humeur.
Toujours la même excuse.
Toutefois, je ne dis rien. Arès est quelqu'un de têtu, s'il refuse de m'avouer ce qu'il me cache, ce n'est pas en insistant un peu plus qu'il sera convaincu à tout révéler.
Les bras croisés contre ma poitrine, mon regard converge vers le paysage qui défilent à travers la fenêtre.
J'espère que ce n'est rien de grave...
❈
Les sourcils froncés et les yeux plissés, j'observe l'endroit devant lequel la voiture s'est arrêtée.
Au milieu de nul part, un vieux hangar inoccupé se dresse à une quinzaine de mètres à peine. Les briques rougeâtres virant presque sur des tons châtains sont abimées pour la plupart d'entre elles, sans parler des carreaux en verre brisés.
Les lueurs moroses des nuages n'aident pas à d'entendre l'atmosphère glaciale qui règne depuis plus d'une demi heure. Je lance un vif coup d'œil à Arès qui se gratte nerveusement le cou, le regard fixé au sol.
Mon cœur bat fort et manque de quitter ma cage thoracique.
Je ne me sens pas bien du tout.
Bordel, qu'est-ce qu'il me cache ?
— Tu viens ?
Je claque la portière de la voiture, restant malgré sa demande de le suivre sur place. La peur de découvrir ce qu'il essaie d'ensevelir sous son silence me fait tressaillir. Pitié faite que ça soit juste un cauchemar duquel je me réveillerai très prochainement !
— Qu'est-ce que tu fais ? viens, ordonne-t-il plus sévèrement.
Je me résigne à le suivre malgré l'ignoble pressentiment qui grandit en moi.
Quelques pas plus tard, nous arrivons devant l'entrée du bâtiment délabrée. Le grincement aigu de la porte m'agace, et je contracte ma mâchoire.
Arès étant devant moi, j'ignore vers ce qu'il se dirige, ou plus tôt vers qui il se dirige... Mes yeux se contentent d'examiner les lieux. La semelle de mes converse écrase grossièrement les flaques d'eau qui ternissent le sol et les milliers de débris qui jonchent le ciment livide tandis que j'embrasse du regard les tags qui parsèment les parois du hangar. De plus, la lumière tamisée qui traverse les fenêtres au plafond rend l'atmosphère plus angoissante.
Je me penche légèrement sur le côté afin d'apercevoir ce qu'il se trouve devant nous.
Deux hommes armés se tiennent debout, entre eux une chaise sur laquelle repose un autre homme. Chacun de mes pas est un battement de cœur. Un battement de cœur qui, sous la pression monstre des mystères, ne sera plus que souvenir amer lorsque mon âme purgera dans les abysses de l'enfer.
J'essaie de me décaler sur le côté mais Arès s'arrête net à cinq mètres du corps somnolent sur la chaise. Ce n'est qu'à cette distance que je remarque la corde qui retient cet homme contre son gré sur le vieux bois qui lui sert de siège.
La tête penchée en avant, ses cheveux bouclés semblables aux plumes d'un corbeau lui tombent sur le front et lorsqu'un des gardes armés le secoue avec virulence, il se redresse péniblement. Ses nombreuses blessures au visage me frappent tout de suite.
Je ne sais pas ce qu'il a dû subir, pourtant je n'aimerais pas être à sa place. Souffrir n'est plus une option que je compte dans mes choix depuis des mois, alors m'imaginer, rien qu'une seconde, toute l'affliction qu'a cet homme dont j'ignore l'identité me peine.
Ma main s'accroche au t-shirt d'Arès dès lors que je rencontre, dans la pénombre, les iris verts émeraudes de l'inconnu. Et parce qu'une drôle d'idée s'infiltre dans mon esprit, mes yeux convergent vers mon mari qui, nonchalamment, fixe le sol.
Est-ce que par hasard... ? Non, non c'est impossible.
Il est mort.
Treize années se sont écoulées. Maman m'a dit qu'il était mort, que je l'ai tué.
Toutefois, quand je pose de nouveau mon regard sur lui, je le détaille. Au-delà de ces blessures, je reconnais l'homme qui figurait sur ces photos que cachait ma mère dans une boite dans son armoire.
Dans un silence absolu, où seul le vent qui s'écrase contre les feuilles et les déchets abandonnés est source de bruit, nous nous examinons.
Chaque trait.
Chaque ressemblance.
Chaque lien qui nous relie.
— Arès... je murmure, le cœur battant la chamade. Cet homme... Je crois que c'est...
Mes derniers mots meurent sur mes lèvres, s'effaçant au contact de l'air.
J'aurais beau nier les faits, la vérité est là sous mes yeux. Celui que je croyais mort est là.
— C'est... retenté-je, en vain.
Mon père.
Arès s'écarte avant de pivoter dans ma direction.
— C'est ton père, Rose, avoue-t-il enfin, confirmant mes doutes. Je... Je pensais qu'il serait bien que tu lui parles.
Des larmes s'invitent sur la muqueuse de mes yeux, alors que je repense aux actes immondes de cet homme que j'abhorre plus que tout. A cet homme qui est la source de tous mes malheurs.
Comment a-t-il pu penser rien qu'une seconde que je voulais le voir ?
Je le hais.
Et je hais encore plus son sang qui coule dans mes veines.
Nate Elezi me fixe toujours, ses yeux identiques aux miens sont illuminés d'une lueur d'espoir qui m'accable. Le sol se dérobe sous mes pieds, et je tombe de plusieurs étages lorsqu'il ose enfin parler, anéantissant l'espérance que tout cela ne soit qu'un rêve.
— Trëndafili im, articule-t-il, un sourire nostalgique aux lèvres. ( Ma Rose. )
Les poings serrés, je lui tourne le dos, et je tire avec moi Arès vers la sortie. Je refuse de rester plus longtemps avec le violeur de ma mère.
— Attends ! s'écrit-il avec le peu de force qui lui reste. Tu ne veux pas écouter ce que j'ai à te dire ?
Je secoue la tête et dans un élan de courage je lance :
— Je n'ai pas envie d'écouter les paroles d'un homme qui a abuser de ma mère, et qui s'est fait passer pour mort durant treize ans ! vociféré-je.
Malgré les échos de mes reproches, le silence retombe dans le hangar. Mon géniteur n'ose plus prononcer un mot, cependant lorsque je fais un pas de plus, sa voix rauque m'arrête une nouvelle fois.
— C'est ce qu'elle t'a dit ? Jade t'a dit que j'avais abusé d'elle ?
Un rire nerveux m'échappe et je me retourne dans sa direction.
— Tout le monde le dit, tout le monde le sait. J'en suis la preuve, maman n'avait pas besoin de parler pour qu'on comprenne ce qu'il s'est passé et puis William a...
— Je n'ai jamais abuser de ta mère, me coupe-t-il. Tu te trompes. William ferait tout pour...
C'est à mon tour de l'interrompre.
— Menteur ! l'accusé-je, en m'approchant de lui.
William n'avait pas tort lorsqu'il disait que j'étais sa copie conforme. J'ai l'impression de me voir à quelques détails prêt. Si la lumière n'était pas aussi faible et que le sang qui a coulé de son arcade sourcilière ne tachait pas la peau, je suis certaine que je verrais les mêmes tâches de rousseurs qui constellent mon visage.
— Pourquoi est-ce qu'il mentirait sur un viol ? Maman me déteste, tout ça à cause de ce que tu lui as fait, assuré-je, la voix larmoyante.
Son torse se soulève et s'affaisse à un rythme irrégulier, comme s'il luttait contre lui-même et ses yeux ne revêtent plus la même lueur.
— J'ignore tout ce que t'as raconté cet enfoiré de William, mais s'il y a bien une personne qui a abusé de ta mère, c'est lui, affirme-t-il, sans une hésitation.
Je déglutis. Nate sème le doute dans mon cœur au fil de ses paroles que j'aimerais croire. Au fond, envisager la possibilité que je ne sois pas l'enfant d'un viol appaiserait la culpabilité constente que j'ai envers ma mère.
Néanmoins, la vérité en est tout autre. Ça fait des années que je le sais, ses mots ont juste l'air d'être véridiques car c'est ce que j'ai toujours voulu entendre.
Que ma vie toute entière n'est qu'un tissu de mensonges, que dans la rancune, William aurait tout inventer. Une vengeance qui a découlé sur la fille de celui qu'il abhorre du plus profond de son être.
— Prouve le moi. Prouve moi que William a menti, dis-je, brisant le silence. Mais surtout, raconte moi ta vérité.
— Tu es prête à me croire, Rose ?
Les ongles enfoncés dans la paume de mes mains, j'inspire une énorme goulée d'air avant de le tourner dans la direction d'Arès. Cette fois, il m'observe. D'un hochement de tête, il répond à ma demande silencieuse.
Je peux l'écouter, lui donner une chance d'être entendue et malgré l'aversion que j'ai à son égard, quelque part au fond de moi j'aimerais me libérer de mes maux.
Alors j'espère. J'espère que tous les sons qui traverseront la barrière de ses lèvres seront authentiques.
— Fait de ton mieux pour que j'y crois.
Sa respiration saccadée est la seule source de bruit tandis qu'il jette un regard en biais aux deux hommes armés, entre lesquels il se retrouve, qui sont prêts à lui tirer dessus sous l'ordre d'Arès.
— J'étais le garde du corps de ta mère, avoue-t-il d'une première confession. On se connaissait depuis longtemps, et puis je suis tombé amoureux d'elle.
Les yeux ronds, je l'écoute me parler d'une partie de l'histoire que j'ignorais. Pourtant, j'aurais pu le deviner en voyant toutes les photos que maman cachait. C'était flagrant que l'homme qui se tenait constamment à ses côtés était son garde du corps.
— J'étais obsédé par elle et plus les jours passaient et moins je supportait l'idée qu'elle appartienne à un autre mais j'étais plus vieux qu'elle et ses parents n'allaient sûrement la laisser épouser un simple homme comme moi, je n'étais là que pour veiller à sa sécurité rien de plus, admet-il, le regard fuyant vers le plafond. Pourtant ça ne m'a pas arrêté.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où il veut en venir. Si tout les opposaient, pourquoi est-ce qu'on se retrouve ici finalement ? Pourquoi est-ce que je suis née ? Un élément ne concorde pas, mais quoi ?
— C'était réciproque. Jade aussi m'aimait et on a fini tous les deux par succomber à l'interdit, finit-il par dire. C'est à ce moment-là que tout à commencé, si nous n'avions jamais dépassé les limites, on en serait pas là aujourd'hui mais surtout tu ne serais jamais née.
Il marque une pause dans son récit, et pour la première depuis qu'il narre l'histoire qui l'a mené à être assis et bâillonné sur cette chaise, il m'accorde un regard.
— Et pour être honnête avec toi, Trëndafili im, je ne regrette absolument pas. ( Ma Rose.) Tant pis si je me retrouve au gouffre de la mort, ta naissance est la plus belle chose qui ait pu m'arriver, tu n'as pas idée d'à quel point je suis heureux de te voir.
La première larme ruisselle le long de ma joue.
J'ai attendu des années pour que ma mère me le dise, des années à espérer que ses mots soient prononcés par elle. Quelque part au milieu des fissures que compte mon cœur, une plaie que j'ai longtemps ignorée s'est ouverte. L'absence d'un père.
William n'a jamais été un père, enfin surtout pour moi. Je ressentais de l'indifférence à son égard, qu'il soit là ou non, sa présence n'était pas vital.
Toutefois, une grande partie de mon adolescence j'ai fantasmé une rencontre avec mon géniteur. Loin de ce cadre oppressant, juste lui et moi, au bout d'une rue lambda.
Par la suite, il m'aurait prise dans ses bras m'avouant qu'il m'aime et qu'il n'a jamais cessé de penser à moi. Assez tard, je me suis rendu compte qu'en plus de désirer l'amour de ma mère, je convoitais aussi celui d'un père dont j'ignorais l'existence et qui selon les dire, était six pied sous terre.
— Pourquoi est-ce que tu n'as pas essayé de me retrouver dans ce cas ? osé-je demander, d'une voix faible. Est-ce que tu as idée de toutes les atrocités qu'ils m'ont faites ? Tu aurais pu me sauver...
Ses dents mordent sa lippe, et il baisse la tête.
— J'ai essayé, mais William te gardait en sécurité dans ta chambre, dit-il avant de continuer. Chacunes de mes interventions pouvaient causer ma mort, et je refusais de mourir tant que je ne t'avais pas prise au moins une fois dans mes bras. J'étais prêt à mettre le monde à feu, rien que pour te voir mais tout était au-dessus de mes forces, William m'a tout pris...
Mon cœur se serre sous le poids de ses mots qui me lacèrent l'âme. Tout aurait pu être différent.
— Ma relation avec ta mère était secrète, personne n'était au courant, reprend-il après un lourd silence. Elle continuait ses rendez-vous arrangés que lui imposait son père, mais il a fallu qu'elle tombe sur William qui est devenu tout aussi obsédé que moi par la seule femme que j'aimais. Ta mère a essayé à plusieurs reprises de lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas de lui, qu'elle ne voulait pas se marier et qu'elle était trop jeune. Seulement, il est l'héritier d'une dynastie puissante. Quelle famille ne voudrait pas s'allier aux Adams ? Ils avaient tout. L'argent, la gloire et le pouvoir. Jade a été contrainte de l'épouser. J'ai été contre mais encore une fois, je n'ai rien pu faire.
La tragédie qui les lie me brise tout entière. C'est encore pire que ce que j'ai pu imaginé.
— Malgré tout ça, je suis resté son garde du corps. William m'avait engagé à l'être, et son mariage ne nous a pas empêcher de continuer notre relation. Ça a continué pendant sept ans. Même si je détestais être spectateur de sa vie et par dessus tout voir la femme que j'aimais tombée enceinte d'un autre homme, je savais que son coeur battait pour moi et juste ça, me suffisait. Parce qu'au final, on était heureux. Tant qu'on pouvait être ensemble.
Un pas après l'autre je m'approche de lui, le visage inondé de larmes. Je le crois. Il ne me ment pas.
Je le sais. Au fond de moi et depuis que j'ai croisé ses yeux, je savais qu'il ne mentirait pas, que mon père n'a jamais été une mauvaise personne. Juste un homme amoureux qui n'avait pas assez de pouvoir.
— William était jaloux, quand il a commencé à remarquer la complicité entre ta mère et moi, il m'a viré. C'était deux ans avant ta naissance.
Lorsque ce ne sont plus que quelques vulgaires centimètres qui nous séparent, je m'agenouille devant lui. L'eau sale qui traîne au sol est absorbée par mon jean, toutefois, ça ne m'empêche pas de rester dans cette position.
— Puis arrivé le moment où Jade est tombée enceinte pour la troisième fois, je pensais que c'était un autre enfant de William mais les dates ne concordaient pas. Ta mère savait que tu étais ma fille, comme un préssentiment qu'elle avait et jamais je ne l'ai vu plus heureuse que quand elle t'a eu la première fois dans ses bras. Tu es une bénédiction, Rose.
Ses mots pansent mes plaies comme personne ne l'a jamais fait. Il me guérit.
— Tu veux savoir pourquoi est-ce qu'elle t'a appelée Rose ? demande-t-il, ses yeux plongés dans les miens.
J'avale difficilement ma salive et acquiesce.
— Tu es sa fleur préférée, celle que je lui ai toujours offerte. Tu symbolises notre amour, Trëndafili im.
Les bras sur ses genoux, je plonge mon visage à l'intérieur pleurant toutes les larmes qu'ils n'ont pas versé. Ça a dû être tellement dur. J'ignore comment ils ont eu la patience de tenir, c'est horrible de cacher son amour et surtout d'être spectateur de l'union de celle qu'on aurait voulu pour soi.
La culpabilité me ronge. Je me déteste de l'avoir détesté rien qu'une seconde. Comment ai-je pu croire à tous ces mensonges que m'a balancé William au visage ? C'est lui que je hais.
Et une seule chose tourne en boucle dans ma tête, lui faire regretter à lui et ses enfants tout le malheur qu'ils ont semé.
Nate bouge et gémit de douleur sous l'effort qu'il fait pour se pencher jusqu'à moi et déposer ses lèvres dans mes cheveux.
— Je suis désolé que tu ne le saches que maintenant, je pensais que ta mère l'avait fait...
— Je ne t'en veux pas, je réussis à articuler. C'est elle qui aurait dû me le dire, au lieu de me faire passer pour une erreur une grande partie de ma vie.
Ma rancune s'alimente de mes larmes pour la personne qui malgré ses mots qui m'ont détruite, avait toujours le droit à mon pardon. Cette fois, je n'y arrive pas.
Elle avait le choix d'apaiser mes peines. Elle avait le choix de me dire la vérité, même sous la menace.
Ma mère avait le choix.
Je le sais maintenant, que je n'étais pas l'enfant née d'un abus.
C'est tout le contraire.
Je suis le fruit d'un amour interdit, un amour qui n'a jamais pu devenir Amour. Un amour qui franchissait toutes les limites, là où la notion du bien et du mal n'avait aucun sens.
— Les six années qui ont suivies ta naissance ont été les meilleures comme elles ont été les pires de ma vie. Je ne pouvais pas te voir au risque d'éveiller les soupçons. Les seules choses que j'avais de toi, étaient des photos et quelques vidéos. Je t'ai vu grandir à travers un écran, et je m'en voudrais toute ma vie d'avoir raté ces moments-là, tu n'as pas idée.
Je me redresse, et m'attaque aux cordes qui l'enchaînent. Il ne va pas mourir ici. Je refuse.
— Tu n'en rateras plus, on peut recommencer, c'est pas encore fini, assuré-je.
Je défais le premier nœud, puis un deuxième puis la voix grave d'Arès m'arrête.
— Rose, arrête ça.
Mais je ne l'écoute pas. Continuant à détacher mon père de ses liens qui l'emprisonnent sur cette foutue chaise.
Il n'est pas trop tard pour apprendre à se connaître et avoir une relation avec mon père.
— Je vais t'aider, tu peux même refaire ta vie avec une autre femme si tu le souhaite. Rien-...
— C'est ma fin, ma fille, m'interrompt-il. Tu ne peux rien faire pour moi, mais j'apprécie ton aide.
Je retire les cordes qui l'oppressent, et le libère enfin. Soudain des bras m'arrachent de l'étreinte de mon père, que je rencontre à peine.
— Lâche-moi ! Je t'en prie, lâche-moi, supplié-je en hurlant.
Je remarque Arès à l'autre bout de la pièce, stoïque face à la situation. Mes nombreux regards non pas l'air de lui faire comprendre qu'il est censé m'aider, qu'il doit arrêter cet homme qui me retient prisonnière.
Cependant, dès lors qu'il lève le canon de son arme, pointé dans la direction de Nate, je comprends son manque de réaction. Sa cible n'est autre que mon père.
Arès doit tuer mon père.
Je hurle et me débat, pour l'arrêter avant qu'il ne commette l'irréparable.
S'il tue mon père, jamais je ne pourrais lui pardonner.
Arès pourrait faire une exception, juste pour cette fois, juste pour moi.
— Ne le tue pas, s'il te plait, Arès !
Il semble m'ignorer.
Et à ce moment précis, l'illusion que je m'étais faite de cet homme que je pensais connaître s'effondre sous mes yeux. La réalité me gifle.
Arès n'a jamais été un héro, ô combien je lui ai donné ce rôle.
Il incarne le mal, et il est aussi néfaste qu'un feu qui brûle tout sur son chemin sans distinction. Arès est une machine de guerre. Lorsqu'il tue, tout ce qu'il a d'humain en lui se tait et disparaît de son corps tel un alter ego.
Il agit comme le pire des monstres.
Par miracle, je réussis à m'échapper mais c'est trop tard, il a déjà tiré.
Le coup de feu résonne encore dans mes oreilles, alors que je m'effondre au pied de Nate qui est tombé au sol à cause de l'impact de la balle qui a perforé son abdomen.
— Non, non, non, je t'en supplie...
Mes mains compressent sa blessure, la vue troublée par tout le sang qui s'en échappe.
— Tu... veux... connaître la fin de l'histoire ? bégaye-t-il
Je secoue la tête.
— Garde tes forces, tu en as besoin. Je vais t'aider, je te le promets.
Un sourire étire ses lèvres.
— William... A tenté de me tuer... Mais j'ai réussi à m'en sortir, le problème c'est qu'il a promis de se venger sur toi... Je suis désolé de t'avoir abandonné...
Ses derniers mots meurent sur ses lèvres, il n'a plus la force de parler.
Au coin de ses yeux des larmes s'accumulent mais il refuse de pleurer, alors je pleure à sa place.
— Je ne t'en veux pas, papa.
Une lueur d'espoir traverse une dernière fois ses yeux, et ses doigts ensanglantés replacent l'une de mes boucles derrière mon oreille, tout en effleurant ma peau qui s'imprègne de son sang.
— J'ai toujours rêvé que tu m'appelles comme ça. Je peux mourir en paix maintenant, Trëndafili im.
— Dis pas ça, tu ne vas pas mourir, je refuse. On a trop de choses à rattraper pour que ça se finisse maintenant.
Une main saisit de nouveau mon bras, mais je me presse de me tenir à mon père que j'encercle.
— Je t'aime, ma fille, ne l'oublie jamais... et ne lui en veut pas, ce n'est pas de sa faute, il ne fait qu'obéir.
Arès m'arrache violemment de l'emprise de Nate, et m'emprisonne contre son torse. J'ai beau me débattre, je n'y arrive pas. Il est trop fort.
— Papa ! hurlé-je.
Le visage contre son torse, je ne vois pas la scène qui se déroule derrière mon dos.
Toutefois les secondes s'écoulent, et ce que je craignais le plus venait de se produire.
Arès a tiré.
Arès a tué mon père.
Et c'est la fin.
La fin de tout.
_________
Nate 💔
Hello :)
On se retrouve pour ce chapitre qui vous a toute causer une frayeur en voyer le post sur insta ainsi que le tease dans mes story. J'ai adoré voir vos théories toutes autant farfelues les unes que les autres, c'était super drôle.
En espérant que vous avez lâcher au moins une larmes. <3
Take care, loves.
Avec tout mon amour Aleyna. ❀
IG : ALEYNADIAZ__