ESPOIR

Mon regard s'attarde sur chacun de leur visage. Aaron ne me quitte pas des yeux, il a l'air déterminé à me faire payer l'acte inexpliqué que j'ai commis trois ans auparavant.

A travers ses larmes débordantes, Kate semble me supplier de montrer ne serait-ce qu'un signe d'humanité, en vain.

Quant à Alice et Set, ces personnes qui m'inspiraient la sécurité, la confiance avant de débarquer sur ce parking, leur air inquiet collé au visage... Ils n'ont même pas le courage d'affronter mon regard déçu. Ils fixent le sol, semblant soudain regretter leur acte.

Ils ont raison.

Lentement, très lentement, je m'approche de Set. Son corps tremblant effleure mon débardeur. Cette proximité laisse peu à peu mon parfum envahir le peu d'espace qui nous sépare.

_Vas-y, regarde moi dans les yeux.

Il ne répond rien, le regard rivé en direction de ses chaussures.

_Vas-y Set, porte tes couilles et dis à ta meilleure amie que tu lui as planté un putain de couteau dans le dos.

_Aria...
Intervient doucement Alice.

_N'ose même pas prononcer un mot toi. Merde, comment j'ai pu vous faire confiance ?!

Alice tente de s'approcher mais je la stoppe en reculant rapidement.

_Vous n'aviez pas le droit de vous mêler à mon passé, vous n'aviez pas le droit de parler à mes anciens amis !

_C'est moi qui les ai contacté, Aria.

Aaron, j'aurais dû m'y attendre.

_Tu nous avais juste dit que tu n'étais plus en contact avec eux à cause de la distance !

_Tu as été la pire des égoïstes, tu nous as abandonné.

Leurs reproches sont de plus en plus lointains. Je ne les écoute plus. Seul le silence m'accompagne à présent. Ce silence, qui m'a accompagné durant ses longs, très longs mois de remise en question. Ce silence qui est devenu étrangement familier, indispensable au fil du temps. Ce silence qui ne m'a jamais jugé...

Quand mon père est décédé, à l'instant même ou son poul ne se faisait plus ressentir sous mes doigts remplis de son propre sang, je me suis sentie partir avec lui.

C'est comme si l'ancienne Aria s'était envolée, comme si, après des années de combat écharnées, elle avait finalement cédé, laissant la place à l'ombre de ce qu'elle était.

Je suis partie, j'ai fuis. J'ai fuis mes problèmes, mes traumatismes, mon passé... J'ai tout laissé derrière moi en espérant que le temps les efface.
Mais aujourd'hui, je me rends compte qu'ils sont encore présents, aujourd'hui je me rends compte que je n'ai pas guérie.

Le simple fait de retourner dans cette ville gardant auprès d'elle les fantômes de mon passé a le pouvoir de faire couler ses larmes autrefois si faciles à retenir.

Je les dévisage un à un, un sourire inexplicable collé aux lèvres.

Ils ne sont pas ici pour mon bien mais pour leur bien. Ils veulent me faire payer, regretter. Ils veulent me montrer à quel point ils ont souffert, à quel point ils souffrent encore aujourd'hui. Ils veulent que je regrette.

Et c'est moi qui suis considérée comme une égoïste ?

Joyce, qu'aurait t'elle fait ?

« Si tu veux survivre sans être affectée, fais toi passer en priorité. C'est toi la priorité, toi, tes rêves personne d'autre ».

_J'ai compris, je suis un monstre. Heureuse de vous avoir revu.