LET ME DOWN

Victoire

Décidée à sortir, je passe par la fenêtre de ma chambre, priant pour qu'Isabelle et Quentin ne m'entendent pas. A peine arrivée en bas, deux mains agrippent mes hanches et je sursaute, manquant de tomber.

Quand je me tourne, Evan est là, l'insolence incarnée placardée sur son visage.

- Je t'avais dit que c'était dangereux, tes cascades nocturnes. Tu vas finir...

- Qu'est ce que tu fous là ? T'es parti il y a plus d'une heure.

Bras croisés, je lui offre l'air le plus renfrogné qui existe.

- Je t'attendais. Mais dehors. J'en ai marre de leurs regards...

Il maintient toujours mon corps de ses mains. Je suis mal à l'aise, gênée par le courant qui circule entre lui et moi. Il ne semble pas faiblir malgré les secondes qui s'écoulent. Il grandit et s'intensifie même. Je ne sais pas s'il le sent, mais moi je peux l'entendre crépiter le long de mes veines.

- Et moi qui pensais sortir pour être un peu seule.

Il me libère et je souris discrètement en constatant que je l'ai piqué.

- Tu croyais quand même pas que j'allais te lâcher ? T'as gâché ton après midi à jouer les profs pour m'aider...

Il arque un sourcil et pour une fois je m'autorise à le regarder vraiment. Son regard intense braqué sur moi, sa mâchoire carrée, ce petit truc au coin de ses lèvres... et ce sourcil qui souligne l'arrogance qu'il affiche 95% du temps.

Il est beau. On ne peut pas lui enlever ça.

- Allez viens, on va fumer. J'ai eu le temps de rouler un joint.

Je le suit alors qu'il se met en route. Nos doigts se frôlent en marchant, et je repense à la proximité qu'on a eu cet après-midi.

Je suis partagée entre le besoin d'être seule, et celui de rester à ses côtés. Comme si sa présence aidait en quelque sorte.

Vickie, on a jamais eu besoin d'aide.

T'es sur ?

- En fait, j'avais d'autres plans, je finis par dire, souhaitant m'extirper.

- Comme quoi ?

- Je voulais... Aller danser. On est samedi, après tout.

Il réfléchit un instant avant de répondre :

- Alors, allons danser.

Il fait demi-tour et prend ma main dans la sienne, tout en sortant les clefs de sa poche.

- Si tu fumes, tu ne conduis pas. C'est la règle.

- Rappelle-moi, qui t'a ramené hier ?

Il me fait un clin d'œil avant de m'ouvrir la portière. Nous montons et il démarre.

- À vouloir éviter ma technique d'évasion, tu vas devoir respecter le couvre feu... C'est tellement dommage.

- Si tu savais où ils peuvent se le foutre, leur règlement de merde. Je fais les corvées pour montrer l'exemple aux petits, mais une fois qu'ils sont couchés ils ne peuvent pas savoir que je ne rentre pas à l'heure demandée.

- Qu'est ce qu'ils t'ont fait pour que tu leur en veuilles comme ça ? Je veux dire... Ils sont cool, pour des parents. Tu les appelles même par leurs prénoms.

- Ce ne sont pas mes parents.

Sa réponse m'assomme.

J'avais pas pris conscience de l'évidence.