ถถา๕ษ็ว๘

UNFAIRNESS

By whoscleowalner

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Dans une ville oรน la forรชt s'impose, des atrocitรฉs sommeillent, enterrรฉes entre la terre et les ronces. ๐˜๐ž๏ฟฝ... More

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T.I | .๐™ฟ๐š๐™พ๐™ป๐™พ๐™ถ๐š„๐™ด.
.01. Le bal et l'ombre
.02. L'exception ร  la rรจgle
.03. La mauvaise rencontre
.04. L'illusion du rien
.05. Un cadeau empoisonnรฉ
.06. Fracturer un morceau de son รชtre
.07. Un coup d'avance
.08. L'invitation du hasard
.09. Les fissures du flou
.10. Le poids du soulagement
.11. Le grand mรฉchant loup
.12. Promesse brisรฉe
.13. La double manipulation
.14. Oeil pour oeil
.15. Le dรฉbut du cauchemar
.16. Le mรฉlange d'รฉmotions
.17. Le duo de haine
.18. The Dark Grove
.19. Ta ฑนรฉฐ๙พฑณูรฉ contre la mienne
.20. Vaincre ses peurs
.21. Baigner dans l'ivresse
.22. Sur la trace
.23. Dรฉteste-moi si tu peux
.24. L'art est un exutoire
.25. Le temps presse et la mort se rapproche
.26. Sauvez-moi
.27. Les photos interdites
.28. Quatre minutes
.29. Iustitia Sine Vultu
.30. Malรฉdiction dissimulรฉe
.31. Avoir le choix
.32. La boucle
.33. L'inconnu du rooftop
.34. Mauvaise piste
.35. La coรฏncidence n'existe pas
.36. Morceaux de verre
.37. Maรฎtre de son destin
.38. L'รฉchec dans la victoire
.39. La vengeance isole l'รขme
.40. Offrir son cล“ur
.41. L'injustice colle ร  la peau
T O M E II
T.II | .๐™ฟ๐š๐™พ๐™ป๐™พ๐™ถ๐š„๐™ด.
.01. Traรฎtre un jour, traรฎtre toujours.
.02. L'ignorer jusqu'ร  l'oubli
.03. La ฑนรฉฐ๙พฑณูรฉ ne se dissimule pas
.04. Os Mordazes
.05. Une fausse identitรฉ
.06. Chaque acte a sa consรฉquence
.07. Le prix du mensonge
.08. Les larmes du trait
.09. La vie d'ici ou d'avant
.10. Trente secondes
.11. L'injustice hurle plus fort que la ฑนรฉฐ๙พฑณูรฉ

๐™ต๐š•๐šŠ๐šœ๐š”๐š‹๐šŠ๐šŒ๐š” | ๐‹'๐‡๐Ž๐Œ๐Œ๐„ ๐ƒ๐„ ๐•๐„๐‘๐‘๐„

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By whoscleowalner


** 𝑈𝑛𝑓𝑎𝑖𝑟𝑛𝑒𝑠𝑠 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛 𝑟𝑜𝑚𝑎𝑛 𝑝𝑠𝑦𝑐ℎ𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑑é𝑝𝑒𝑖𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑠𝑖𝑡𝑢𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑝𝑒𝑟𝑡𝑢𝑟𝑏𝑎𝑛𝑡𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑡𝑜𝑥𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠, 𝑣𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑖𝑛𝑎𝑑𝑚𝑖𝑠𝑠𝑖𝑏𝑙𝑒𝑠. **


4 septembre 2022.
État du Wisconsin.



Ylass.

Le moteur assourdissant s'affaiblit sur la rue pavée de lampadaires en fer forgé.

Je considère ce qui s'étend autour de nous avant de m'intéresser un peu plus à l'itinéraire de mon téléphone. Nous venons d'atteindre la destination.

—  Tu es sûr que c'est une bonne idée ? me sollicite Treize avec réticence, postée sur la place passagère.

Je sors mon arme, glissant un chargeur dans la poignée. Le cliquetis résonne, seul son audible dans le calme pesant de l'habitacle.

— On est sur leurs traces depuis des mois, je déclare d'une voix basse. L'organisation a validé toutes les preuves qu'on a collectées, c'est maintenant ou jamais.

Je ne lui adresse pas un seul regard. Mes mains restent cramponnées sur l'arme, comme si elles avaient besoin d'être occupées pour étouffer la pression qui m'effleure.

À chaque fois qu'elle est à mes côtés, mon corps tremble, se souvenant de souvenirs que je peine à oublier. Je l'entends respirer, et rien que son souffle me rend fou, il claque dans ma tête.

Elior et Ruben, deux mercenaires que nous traquons depuis des mois. Le filet est aujourd'hui tendu, et il n'est pas question de rater l'occasion pour les attraper. Pas cette fois.

— En tout cas, ces deux-là m'ont fait voir les pires horreurs, lâche-t-elle, l'exaspération perçant sa voix.

— Les risques du métier. Rien de plus.

— Ouais... Ça craint, pousse-t-elle faiblement en faisant un geste de la main. Hum, de toute façon, je suis quand même contente d'avoir ce travail, badine-t-elle.

Je laisse échapper un ricanement, froid et stérile, le genre de rire qui se plante comme un couteau dans une cage thoracique.

— Tu as eu le luxe du choix. D'autres n'ont pas eu la chance de choisir leur destin.

La brune pivote son visage vers moi, mais je refuse de croiser son regard. Je l'élude, feignant un intérêt pour les bâtiments qui nous encerclent. Le mépris que je ressens pour elle ne fait que croître, il m'anéantit.

— J'ai hâte d'en finir avec cette mission... admet-elle, languissante.

Treize passe sa langue sur ses lèvres, sa main se pose sur ma cuisse. Une décharge glaciale parcourt mon corps, je me fige un instant. L'instinct prend le dessus.

J'ouvre brusquement la portière et me hisse hors de la voiture. Lorsqu'elle se permet ce genre de familiarités, l'angoisse m'incendie. Mon Glock est solidement ancré dans ma main. Je m'éloigne de la voiture, faisant quelques pas en direction du bâtiment ciblé.

— Attends-moi ! entends-je de par-dessus mon épaule.

Je roule des yeux, incapable de cacher mon exaspération face à sa présence constante. Treize finit par me rattraper, ajustant son pas au mien.

— C'est ce bâtiment qu'ils squattent, elle désigne la carcasse sur notre droite.

Je redresse le menton, évaluant la masure. L'immeuble est médiocre, ses murs dans les tonalités blanches sont couverts d'une crasse grise qui dénonce des années de négligence.

Les fenêtres en bois, certaines lézardées, scandent l'air délabré. Cela n'a rien d'étonnant. C'est toujours dans ce genre de pourritures que les délinquants élisent domicile. Il faut dire que ce qui se ressemble s'assemble.

Je baisse le regard sur l'arme dans ma main, puis, serrant les dents, je m'engage dans l'édifice. Treize me talonne de près, son arme toujours prête à être utilisée. D'un pas résolu, je franchis les marches de l'escalier en colimaçon.

Le temps qui passe permet à l'adrénaline de se diffuser dans mon corps. Nous poursuivons notre ascension jusqu'au deuxième étage, là où ils sont censés se trouver.

Une fois arrivé, je lance un regard furtif vers la porte de l'appartement. Mon dos se presse contre le mur, je le longe jusqu'à la porte. Treize adopte la même position de l'autre côté, sa progression est discrète.

Nous nous tenons tous deux de part et d'autre de l'encadrement. La brune sert son pistolet avant de me jeter une œillade ténébreuse, accompagnée d'un léger signe de tête, signifiant qu'elle est prête.

Le plan défile une dernière fois, chaque détail est gravé avec une précision méticuleuse. La rapidité est primordiale. L'adrénaline me fait vibrer et ma concentration est implacable.

Je lance un dernier regard sombre à Treize, un signal muet. Je vise la poignée et tire sans réfléchir. Un fracas retentit dans l'air lourd, rompant l'assourdissement.

Je n'ai même pas le temps d'analyser la situation que je pousse la porte. Treize me suit, sans hésitation. Elior se tient en face de moi, l'air impassible.

Je monte mon arme, déterminé, prêt à appuyer sur la détente et à faire de lui une cible, une souillure de sang parmi les autres.

Mais, à cet instant, un métal froid se plaque contre ma nuque. Mon esprit se déconnecte et tout autour de moi se suspend, comme si le vent retenait son souffle.

Dans ma ligne de mire, Elior proclame un rictus effroyable. Un seul faux pas, un seul geste de travers, et je suis mort. 

  – Lâche ton arme, tu veux ? crache-t-il, narquois, sa voix s'accordant à ses tatouages sombres qui dévorent une partie de son visage.

– Écoute-le, m'ordonne Treize, son arme toujours fermement appuyée contre ma nuque.

Mes dents se serrent jusqu'au sang et ma respiration s'accélère. Lentement, le piège dans lequel je suis tombé se dessine avec une sévérité féroce.

C'est terminé.

À contrecœur, le poids de leur menace m'écrase et je m'exécute. Je m'abaisse et dépose mon flingue au sol. Le métal vibre contre le carrelage, un écho de ma défaite.

La trahison a le goût du sang, et pourtant, je refuse d'y croire. Je me redresse, un mouvement dans mon champ de vision me fige davantage. Ruben surgit derrière Elior, ses mèches auburns plaquées en arrière, un sourire torve de mauvaise intention.

– Ton argent est sur la table, ma jolie, exprime Elior en s'avançant vers moi d'un pas lent.

Lorsqu'il arrive à ma hauteur, il presse le canon de son arme contre mon ventre. Un froid irradie de l'acier jusque dans mes entrailles. Dans mon dos, la pression du pistolet de Treize disparaît.

Je la sens s'éloigner, son ombre passe à côté de moi. Elle se dirige vers la table au centre de la pièce, où repose un grand sac noir. Je ne bouge pas, chaque muscle tendu comme une corde raide prête à rompre.

La brune récupère le sac sans un mot, puis revient vers nous. Lorsque nos regards se croisent, le mien brûle de rage. D'une haine qui jurerait de l'anéantir.

– Je te tuerai, promets-je, ma voix envenimée d'une colère sourde, en faisant un pas dans sa direction.

D'un geste vif, Elior enfonce un peu plus le canon dans mon ventre, me stoppant net. Treize me toise, ses yeux brillants de larmes contenues. Comme si elle avait le droit d'être désolée, qu'elle n'était pas l'instigatrice de cette félonie.

– Ce n'est pas contre toi, Cinq... murmure-t-elle, son intonation hésitante, fragile. Ils m'ont proposé le double de la somme de notre mission... Tu comprends ?

Ses mots s'écrasent contre ma poitrine comme des coups de poing. Tout dans son regard implore ma compréhension, mais il n'y a plus rien à comprendre.

Juste la trahison.

Cet acte perfide, celui de m'avoir vendu pour de l'argent. J'ai passé des mois à ses côtés, j'ai subi, et tout ça pour finir entre les mains de ces hommes. Tout était déjà planifié.

— J'avais besoin de cet argent... marmonne-t-elle, sa voix rauque d'une émotion que je ne crois pas une seconde. Moi, j'ai une vie qui m'attend à l'extérieur.

Son regard cherche le mien, mais je refuse de lui accorder cette satisfaction. Elle continue, comme si enfoncer le couteau ne suffisait pas, comme si elle devait le tourner encore jusqu'à ce que je n'aie plus que des haillons d'âme à offrir.

— Toi, de toute façon... Ton destin était scellé, souffle-t-elle, une larme dégringolant sur sa joue, un sourire aux lèvres. Je voulais juste t'aider à te libérer de tes chaînes.

Te libérer.

Elle ose. Ses mots dégoulinent de mensonge, chaque syllabe maculée de l'évidence. Cette salope m'a vendu à deux tueurs en série recherchés dans tous les États-Unis.

Pour de l'argent. Je déglutis, tentant d'écraser la rage brute qui brûle en moi. Mais mon silence ne suffit pas à étouffer les hurlements qui résonnent dans ma tête.

Sans un mot de plus, Treize disparaît. Elle s'éloigne, jusqu'à ce que ses pas ne deviennent qu'un souvenir échardeux.

— Il va mourir, vous me le promettez ? demande Treize.

Ruben lui sourit.

— Ne t'en fais pas, rentre tranquillement et dis à ton patron que je l'ai buté. On fait comme on a dit, crache Ruben.

Je ferme les yeux, une part de moi s'éteint en même temps que ses paroles.

— On va bien s'amuser, m'avertit Elior, l'arme toujours dans le ventre.

Je ne daigne pas répondre, mes yeux enterrés dans ceux du mercenaire, lui dévoilant un regard fuligineux de haine. Mes poings se serrent sous le poids de la colère rude qui n'attend que le sang de ces mercenaires.

La trahison s'accroche à moi comme une seconde peau, m'étouffant tel une épine enroulée autour de ma gorge. L'adrénaline se diffuse dans mes artères, pulsant frénétiquement contre mes tempes.

Sans une once d'hésitation, je me propulse vers l'avant, mon poing se brise férocement contre la mâchoire d'Elior. Il titube en arrière, des jurons s'égrènent de ses lèvres. Mes phalanges me picotent à peine, j'en veux plus.

Alors que je m'apprête à le rouer de coups, une détonation fend l'air.

Au même moment, une douleur ignoble déchire ma jambe, me coupant le souffle. Mon regard glisse vers le bas, une tache écarlate s'étend sur mon pantalon, dévorant le tissu.

Ruben reste de marbre, son canon fumant est braquée sur moi. Une fine volute s'élève, comme une signature morbide de la balle qui vient de me traverser.

— Tu vas me le payer ! rugit Elior en se relevant soudainement.

Je n'ai qu'à peine le temps de reporter mon attention sur lui que l'assassin m'assigne un uppercut. Je m'effondre de douleur au sol, ma jambe envahie par une affliction insoutenable qui m'empêche de la bouger.

Je tente de reculer en rampant, cherchant à me relever, quand subitement, Elior recharge son arme et la pointe au-dessus de ma tête. Mon regard s'accroche au sien, chargé d'un sadisme sombre.

— Oh ouais, on va carrément bien s'amuser, ricane-t-il avec une malice vipérine. 

Il m'assigne un coup avec l'arme, ma vision vibre.


***


Plusieurs jours plus tard.


Je passe ma langue sur mes lèvres asséchées, sentant le goût immonde et métallique du fer. Le sang m'attaque, m'empoisonne la gorge, me brûle les narines.

Mes yeux à peine ouverts s'accrochent désespérément au sol, où je distingue un océan de sang noir sur le carrelage. Je me demande comment je suis encore en vie, avec tout ce sang qui fuit hors de moi.

Mes entrailles se vident tandis que j'y patauge, les genoux trempés d'hémoglobine.

C'est pitoyable.

—  Je vais te le demander une dernière fois. Qui est ton patron ? me harcèle Elior en s'accroupissant face à moi, son regard austère planté dans le mien.

Mes mains sont ligotées derrière moi, les cordes m'écorchent la peau. Je tiens sur mes deux genoux, les bras tendus dans le vide, suspendus par ces chaînes infâmes.

—  Demande à Treize, elle doit sûrement avoir la réponse, je peste, un sourire sardonique accroché aux lèvres qui n'a rien de drôle.

Il perd patience, sa mâchoire se contracte, taillée dans l'exaspération et couverte de poils rêches. Dans un élan brutal, il se redresse et me décoche un coup de pied en pleine panse.

La douleur éclate dans mon estomac, me broyant de l'intérieur. Je tousse, un filet de sang mêlé de salive remonte dans ma gorge, putride.

Il me lacère la trachée comme un venin. J'entends un rire, celui de Ruben. C'est comme si le peu de vie qu'il me restait s'éclipsait. Chaque respiration bruyante est un exploit funeste.

Mes muscles sont tétanisés, mais je camoufle l'atrocité que je ressens. Je ne leur donnerai pas ce qu'ils veulent. Elior s'accroupit à nouveau et plonge la main dans sa poche, en sortant une fiole ambrée que je reconnais immédiatement.

Mon cœur rate un battement, je réagis comme un drogué en manque, ces damnées pilules sont une lueur dans cet enfer.

—  Tu les veux, hein ? dit-il en les agitant, ses prunelles étincelantes d'une malignité froide.

—  Je te les donne, murmuré-je, le goût du fer encore imprégné dans ma bouche, luttant contre les souffrances qui me dévorent.

Il dévisse le flacon, l'incline, laissant les cachets choir un à un. Les pilules se répandent dans le flot sanglant qui baigne la pièce, se gorgeant de ma détresse.

Le liquide visqueux éclabousse, se colle partout, tandis que l'air s'imprègne de cette senteur d'échec. Elior éclate de rire, un éclat cruel qui me lacère l'âme.

Ce rire transperce mes entrailles, me réduisant à l'état de rebut.

—  J'ai une idée, souffle-t-il avec une joie démente sculptée par une envie morbide.

Ruben s'approche, silencieux, son regard froid m'examine avant de disparaître dans mon dos, hors de mon champ de vision. Je n'ai pas le temps de comprendre.

D'un geste, Elior plonge sa main dans le sang, en retire une poignée de pilules souillées. Je me fige, la mâchoire contractée, quand je sens la lame glacée d'un couteau frôler ma gorge.

— Ouvre la bouche, intime Ruben, inflexible.

Je tente de résister. Mais Elior m'empoigne le visage, presse ma mâchoire avec brutalité pour m'obliger à ouvrir.

—  Obéis, sale chien ! il rugit, défigurée par la rage.

La douleur me ronge, aiguë, quand la lame sous ma glotte mord ma chair. À contrecœur, j'ouvre la bouche. D'un geste sec, il y enfonce les pilules, froides, dégueulasses.

Un frisson me traverse lorsque le sang se mêle à ces poisons chimiques. Je m'étouffe, tente de recracher ce flot, mais c'est vain. Je tire sur mes liens, les poignets en feu, la haine en moi comme un brasier.

Les gélules glissent, s'enfoncent, et je sens une torpeur mêlée au sang séché, au fond de ma trachée.

— La prochaine fois, tu seras peut-être plus bavard, ironise Ruben en effleurant ma peau avec une lame.

La douleur devient pâle, diluée par l'excès. Une goutte de sang chute de mon gorge, résonne en tombant. Puis ils s'en vont, me laissant seul, pantelant, dans cette pièce asphyxiante où l'ombre règne.

Mes côtes sont broyées, chaque membre crie. La surdose altère mes sens, ma vue devient floue, la sueur me poisse le dos. La porte s'ouvre à nouveau, un grincement sinistre.

Elior réapparaît, silhouette déformée par ma vision brouillée. Il tient une perceuse, l'autre main refermée sur une boîte de scalpels.

— Au fait, la prochaine fois... Il marque une pause, son sourire s'allonge, démentiel. C'est maintenant.

Je déglutis. Une bouffée d'adrénaline m'envahit alors que Ruben émerge dans la pièce.  L'homme entre, un miroir dans une main, un marteau dans l'autre.

Je ne comprends pas ce qu'il prépare, tandis qu'Elior fait hurler sa perceuse, le son strident déchire l'air comme une scie dans des entrailles. Un frisson me traverse l'échine, mais je m'efforce de ne rien laisser paraître.

Ruben lève le marteau au-dessus du miroir et frappe net contre la surface réfléchissante. Son geste est méticuleux, chirurgical. J'entends le craquement, le gémissement vitreux du verre qui menace de se briser ; mais il tient, fissuré, instable, au bord de l'effondrement.

J'arque un sourcil, confus, alors qu'il arrive à ma hauteur.  Ruben me tend le miroir, le place juste devant mon visage. Je me contemple : un spectre mutilé, un homme à peine vivant, le visage ravagé par l'agonie, les traits mangés par la maladie et l'épuisement.

Mon corps est marqué par les contusions, les hématomes et les lacérations.

— Tu vois, Cinq, ce que tu es devenu ? Tu perçois cette merde humaine, faible ? expectore Elior, son ton acide me flétrisse.

Je détourne les yeux, écœuré par mon reflet, mais ce n'est que le prélude à une abomination plus grande. Ruben sort une corde fine. Je le fixe, interloqué.

Quand il marche derrière moi, je comprends trop tard. Il enroule la corde  autour de ma tête, le miroir maintenu par cette suspension. Il noue la corde à l'arrière de mon crâne, le miroir désormais attaché s'enfonce dans mon visage, prêt à exploser contre ma peau.

Je n'ose plus bouger. Chaque geste brusque pourrait faire imploser les fragments contre ma peau. Je ferme les paupières. Le moindre faux mouvement serait une mort optique, une carbonisation du regard.

— Très bien, clame Elior, implacable.

J'entends la perceuse qui s'élève. Sa vibration arrive vers mon coude qui tient dans l'air, enchaîné. Je supplie intérieurement, hurle à l'intérieur de moi-même.

Mais c'est fini.

L'aiguille transperce ma chair avec une violence chirurgicale, une perforation calculée. Je hurle. Mais plus je hurle, plus les éclats de verre s'enfoncent, me déchiquetant les joues, me scalpant à vif.

La corde est serrée, mon propre reflet imperceptible est une masse de chair tuméfiée, éclatée sous la pression. Mon cœur tambourine comme un dernier avertissement, tandis que le miroir, froid, glisse sur ma peau et la sectionne avec une précision sadique.

La lame me fend, le sang chaud quitte mon corps. Je m'effondre face à moi-même dans ce jeu sadique, un sentiment d'autodestruction me lamine.

Je ne peux même plus crier ma peine, car chaque cri déchire davantage ma chair, chaque spasme ajoute une lame de plus à mon supplice. Les éclats du miroir m'écorchent le visage, je les sens dilater mes joues, mes paupières, mes lèvres.

Ma peau s'arrache, crisse contre les bris de verre, et je l'entends, ce son infâme de mes muscles du visage qui se détachent lentement de mon squelette humain.

Mes lèvres se fissurent, explosent, broyées par un déchiquetage de mon reflet. Le goût du sang remonte jusqu'à mon crâne, mon front se fend. J'ai l'impression que le miroir crève mon cerveau, touchant mon organe à la source.

— Tu vas souffrir face à toi-même au sens littéral, Cinq, articule Elior. Jusqu'à ce que tu prennes plaisir à t'autodétruire.


***


? jours plus tard.



Le temps n'a plus de sens, tout m'échappe. Je suis noyé dans cette brume de confusion.

L'odeur de l'urine, du sang, me dévore l'air à chaque respiration. Elle me dégoûte, mais je ne peux y échapper.

Ce qui me maintient en vie, c'est une pensée obsédante : les voir souffrir, les voir se tordre dans la douleur jusqu'à leur dernier souffle. Ma voix est un râle, et toutes mes forces sont vaines.

Mes bras, suspendus dans l'ombre, sont devenus durs, bleus, comme si la souffrance m'avait marqué à jamais. J'alterne entre la position debout et l'effondrement, mais la souffrance me cloue au sol, encore et encore.

Dans cette lutte incessante, je tourne la tête pour distinguer des trous béants dans ma peau, laissés par la perceuse qui s'enfonce dans mes os, chaque jour, depuis une éternité.

Le sommeil m'a trahi. Je ne suis plus qu'un spectre, me noyant dans le monde invisible avec un seul but : la vengeance.

Je traverse l'enfer à bord d'une barque, comme si Charon m'avait offert une place. Entre les tortures quotidiennes et l'humiliation qu'ils me font subir, je lutte pour garder la tête haute.

Mes plaies ouvertes, mes cicatrices à l'âme. Ils croient qu'ils peuvent briser ma volonté. Mais je ne plierai jamais devant eux. Ils cherchent à tout prix des informations sur notre organisation, mais ils repartiront les mains vides.

Ma parole est mon seul bien, et la trahison n'a pas sa place dans mon vocabulaire. La pièce, plongée dans l'obscurité, est brutalement lésée par la lumière d'une porte qui s'ouvre.

Ruben est le premier à apparaître, ses mèches auburn sont ramenées en arrière, comme une marque de supériorité. Son visage est placide, et je ne peux m'empêcher de scruter ses mains, un réflexe que j'ai appris à avoir avec le temps.

Rien.

Je fronce les sourcils, surpris, mais je reste silencieux. Ruben se décale, et progressivement, Elior entre à son tour. Une boule me serre le ventre lorsque je remarque qu'il ne porte ni scalpel, ni perceuse, comme à l'habitude.

Cette fois, il tient une hache. Sa silhouette se dessine dans la lueur déformée de la porte.

— On va tenter une autre approche, m'annonce-t-il tandis que Ruben se dirige vers les cordes qui soutiennent mes bras.

Je ne comprends pas ce qu'il se passe, mais je sais que cette fois, c'est différent.

— Un mois, entame Elior en passant une main dans sa barbe.

Je contracte la mâchoire en entendant ça.

— Depuis un mois, tu refuses de parler, bien qu'on t'ait percé, brisé des os, arraché des molaires, cite-t-il avec un sourire cruel, satisfait de la souffrance infligée.

— Alors on a compris un truc.

Je suis attentif, attendant ce qu'il va prononcer.

— Tu es un vaillant, et tu ne cèdes pas aussi facilement, même sous la pression psychologique, dit-il en passant un doigt sur la lame. Alors, si tu perdais un membre... tu changerais d'avis ?

La colère bout en moi tandis que Ruben détache ma main. Je ne sens plus mes doigts, j'arrive à peine à utiliser mon membre, comme si j'avais oublié l'utilisation de mes propres organes.

— Tiens son bras ! ordonne Elior à Ruben en se rapprochant de moi.

Ce salopard obéit sans hésitation, tandis que j'essaie de me débattre avec les maigres forces qu'il me reste. Je lutte désespérément pour échapper à l'emprise de Ruben, qui tire sur mon bras, mais c'est inutile.

Je suis bien trop affaibli pour résister. Soudain, Elior pose sa main sur mon biceps, la hache approche lentement. Je me débats dans un ultime espoir, quand, la lame tranchante s'abat sur mon biceps, déchirant ma peau avec une violence inouïe.

La douleur est telle que je manque de perdre connaissance. L'obscurité me frôle. Je lutte pour retenir un cri, mais chaque fibre de mon corps rugit de souffrance.

Il fait des va-et-vient avec le couteau sur ma chair, traçant une ligne brûlante de douleur. Le métal glisse, mord, s'enfonce plus profondément à chaque passage.

La coupure s'ouvre et le sang jaillit, sombre et chaud, éclaboussant ma peau et ruisselant le long de mes bras. Je sens chaque goutte s'échapper de mes plaies, de mes veines qui éclatent une à une.

— Parle ! hurle Elior, accentuant la force de ses mouvements cruels.

La chair cède, le bruit du métal qui lacère ma peau est abominable. La douleur est si intense que je vacille, au bord de l'inconscience.

Ruben lâche mon bras et se poste devant moi, prêt à parer toute réaction. Dans un ultime sursaut d'espoir, je rassemble ce qu'il me reste de forces et lui décoche un coup de pied entre les jambes. Ruben hurle, plié en deux.

J'esquisse un faible sourire. Pris par surprise, Elior tourne la tête vers lui. Je profite de ce bref instant pour balancer mon bras ensanglanté vers celui encore attaché, le sentant comme une masse étrangère, douloureuse, priant de toutes mes forces qu'il ne se détache pas.

Le feu me calcine, mais je reste focalisé sur l'opportunité. Elior se jette sur moi pour m'empêcher de bouger, me saisit à la gorge.

Son couteau tombe dans un bruit sec, rebondissant sur le sol. Ruben, titubant, revient à la charge, mais mon autre main se libère enfin de la corde. Dans un geste désespéré, je plonge au sol et attrape le couteau.

Ma main serre le manche malgré la déchirure atroce dans mon biceps. Je me retourne vers eux, le souffle court, le cœur battant à tout rompre. D'un bond, je me jette sur Elior et lui plante la lame dans l'épaule.

Il hurle. Ruben tente de m'attraper, mais je me baisse à temps et lui enfonce le couteau entre les côtes. Il pousse un cri strident. Le manche glisse un instant dans ma main ensanglantée, mais je le rattrape et le repositionne, prêt à frapper encore.

Tout tourne autour de moi. Ma tête est noyée dans un vertige poisseux. Mais je n'ai pas le choix. Elior, désorienté, tente de se redresser.

Mon instinct prend le dessus, je propulse ma jambe avec ce qu'il me reste de force et le frappe en pleine poitrine. Il s'effondre, son visage tordu par la douleur.

— Bordel, tue-le ! hurle-t-il, à terre, à son partenaire.

Je croise le regard de Ruben. Il est furieux, il bouillonne  de haine. Je n'attends pas. D'un élan, je m'élance à travers la pièce, chaque muscle de mes jambes hurlant à l'effort.

Ruben se remet debout, ses injures déchirent l'air. Un coup de feu éclate. L'air vibre. Je jette un regard en arrière. Ruben me poursuit, l'arme à la main, et me vise sans hésitation.

La détonation claque dans ma tête, mais je ne ralentis pas. Mes jambes flanchent, je les force à courir plus vite, traversant la porte principale. Je me jette dans la cage d'escalier.

Chaque marche est un supplice. Le sang poisse mes vêtements, mes forces me quittent. Un deuxième tir. La balle éclate contre le mur, à quelques centimètres de mon flanc, projetant des éclats de béton contre ma peau.

Le choc me fait trébucher, mais je me rattrape de justesse.

— Je vais te buter, sale fils de pute ! hurle Ruben, sa voix rauque résonnant dans la cage d'escalier.

Je n'ai pas le temps de m'arrêter. Je continue ma descente, m'élançant à présent dans la rue.

L'air frais frappe mon visage comme des aiguilles. Mon bras meurt, ma douleur m'engloutit, mais la peur de ce qui pourrait m'arriver me projette en avant.

Je jette un dernier regard par-dessus mon épaule. Ruben me suit, sa silhouette se détache dans la lueur blafarde des réverbères, courant à toute allure, prêt à en finir.

Mon biceps est une plainte impitoyable, seules quelques artères le retiennent à moi. Et je dois encore tenir. Ruben ne peut pas m'attraper, pas après ces efforts.

La respiration hachée, je fonce dans la rue, Ruben tout proche tire sur moi en me ratant à chaque fois. Le monde autour n'est qu'un tourbillon indistinct de ténèbres et de lumières.

Je tourne la tête, le désespoir dans mes gestes, et là, je vois une issue de secours. Une Yamaha bleu nuit est postée sous la pâleur d'un lampadaire. Elle est là, mon échappatoire.

Je bondis sur la moto, mes doigts sont déjà à l'œuvre. Je n'ai jamais conduit ce modèle auparavant. Sous le guidon, j'arrache d'un geste précis la gaine de protection, dévoilant un enchevêtrement de câbles.

Rouge, noir, bleu.

Mes doigts sont agiles, mais mon esprit, lui, est agité. Je retire ce qui ne sert à rien et me concentre pour connecter ce qu'il faut.

L'étincelle jaillit et le moteur gronde à la vie. Le hurlement de l'homme derrière moi se mêle au rugissement métallique de la machine.

Je ne lui laisse aucune chance. Une rotation de l'accélérateur et les cylindres mécaniques crissent sur l'asphalte. La moto fonce, elle fend le silence.

Ruben tire une nouvelle fois, heurtant mon rétroviseur tandis que je m'éloigne de ce calvaire. La bécane avale des mètres à toute vitesse, bruyante. Son grondement me fait vibrer jusqu'aux os, une force brute que je peine à canaliser.

Mes mains crispées sur les poignées, je vacille entre les ombres de la rue. Le vent me fouette le visage, mais je n'ai pas le temps de m'y attarder. Mais à cet instant, alors que je crois la menace loin de moi, un voile trouble assombrit ma vision.

Mes paupières sont lourdes, mon souffle devient irrégulier.

— Ce n'est pas le moment..., murmuré-je entre mes dents serrées, la voix étouffée.

Je baisse les yeux vers mon bras, d'où le sang s'écoule sans relâche, souillant mes vêtements. Chaque pulsation de souffrance me tire un peu plus loin de la réalité.

Pourtant, je m'agrippe désespérément au guidon, luttant pour garder l'esprit clair. Cependant, la vérité implacable me rattrape.

Mon attention se trouble, je fléchis, et c'est là que tout bascule. Une voiture émerge de l'ombre, comme un coup de tonnerre dans mon champ de vision rétréci.

Mon instinct prend le relais, je braque le guidon à gauche, mon corps entier crie sa protestation. La moto dérape, ses pneus cèdent sur l'asphalte, avant de se renverser. Je suis projeté au sol, l'impact m'arrache un râle d'endolorissement.

Je heurte le bitume avec une force dévastatrice, roulant sur plusieurs mètres. La peau de mes bras, de mes épaules s'écorche sous le frottement cruel.

Les centimètres que je parcours est une agonie, la vie me dévore. La Yamaha continue sa course, masse d'acier étincelante, avant de s'effondrer plus loin dans un crissement strident.

Quand je m'arrête enfin, un silence assourdissant s'abat autour de moi, brisé par le tintement distant du métal contre le bitume. Mon corps est mort, mais ce n'est pas ce qui me terrifie le plus.

En réalité, c'est le noir qui commence à envahir ma conscience, ce gouffre qui menace de tout emporter. Pourtant, quelque part, au milieu de cette souffrance dévorante, une pensée s'accroche : je dois me relever.

Mes paupières se ferment, je baisse les armes. Mon corps me réclame de le laisser mourir, et c'est ce que je fais. Les yeux mi-clos, je discerne une silhouette au-dessus de ma tête.

— Monsieur, nous avons appelé une ambulance ! Tenez bon, entends-je, comme si quelqu'un était finalement venu me secourir.

Je sombre dans l'inconscience.



____________________________

Lectrices, Lecteurs. 

Ce chapitre m'a vraiment retourné l'esprit... 

Unfairness touche beaucoup à l'horreur psychologique. 

Bonne lecture.

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