l'Alpha et sa compagne, école surnaturel

Le temps semble ralentir. L’air devient plus épais, comme figé dans une seconde suspendue. La créature bondit vers moi avec une grâce démentielle, et chaque battement d’ailes, chaque mouvement de ses griffes fend l’espace comme une lame acérée. Mais au lieu de céder à la peur, quelque chose d’autre jaillit en moi. Une colère sourde, ancienne, primaire.

Ma gorge se serre. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser. Mais je ne bouge pas. Je ressens cette chose en moi, cette chaleur familière qui grandit dans mes veines, comme un feu prêt à tout brûler.

La lumière.

Elle m'appelle.

Je tends la main, paume ouverte, et ferme les yeux. Je ne sais pas exactement ce que je fais, mais je le sens, je le vis. C’est instinctif. Organique. Vital. Comme si chaque fibre de mon être avait été créée pour cet instant.

Une chaleur puissante me parcourt, se propage, s’intensifie.

« Luna, guide-moi. »

Les mots quittent mes lèvres dans un souffle presque inaudible, et pourtant, ils résonnent comme un appel ancestral. Une réponse invisible me traverse. La lumière explose, pure et aveuglante, jaillissant de ma peau, de mes mains, de mon cœur.

La créature n’a pas le temps de m’atteindre.

Une onde de lumière l’enveloppe, la repousse avec violence. Son cri est strident, glaçant, inhumain. Elle recule en hurlant, le corps tordu de douleur, ses griffes grattant le sol comme pour s’y accrocher désespérément.

Je la vois à travers la brume dorée. Elle chancelle, son sourire monstrueux se fissure.

« Ça... c’est tout ce que tu as ? » gémit-elle, déformée, son corps fumant sous la morsure de la lumière.

Mais elle revient. Elle ne recule pas. Ses yeux sans pupilles brillent d’une haine glaciale, d’une rage pure. Elle est différente. Elle n’est pas seulement une créature obscure. Elle est un message. Une menace. Un avertissement.

À mes côtés, Lina ne dit rien. Mais je sens sa présence, son souffle, son soutien. Elle attend. Elle croit en moi. Et cela suffit à me maintenir debout.

Je ferme les yeux une seconde fois, laisse la lumière m’emplir à nouveau, me sculpter une armure invisible. Je sens les présences autour de moi : la Déesse de la Lune, ma mère, celles que je croyais absentes, mais qui m'ont toujours guidée.

Ma voix s’élève, portée par une certitude nouvelle.

« Va-t’en. »

La lumière éclate dans un dernier rayon brûlant. Une lumière pure, aveuglante. L’ombre hurle, se désagrège, se tord et se réduit en poussière, consumée dans un éclair divin.

Et puis… le silence.

Un silence de mort.

Je tombe à genoux, tremblante, le souffle coupé, vidée. Mon corps pèse une tonne, mes doigts tremblent, mais je suis vivante. Et la créature ne l’est plus.

Lina se précipite vers moi, m’attrape avant que je ne m’effondre complètement. Ses bras m’enlacent avec douceur.

« Léna, tu vas bien ? »

Je hoche la tête faiblement. Oui. Mais je sais, au fond, que tout ne fait que commencer.

« Ce n’est pas fini, Lina. Ce n’est que le début. »

Bibliothèque

L’air dans la salle des archives semble figé. Seule la lumière vacillante des bougies projette des ombres dansantes sur les murs couverts de livres. Lina et moi sommes penchées sur de vieux grimoires, les doigts tachés de poussière et d’encre séchée.

Je sens la tension croître. Les créatures. L’attaque au bal. Le loup du palais. Et maintenant ça. Tout ça n’est pas une série d’événements aléatoires. C’est une suite. Une ascension. Une mise en scène.

Je relis encore et encore les mêmes lignes, comme si elles allaient soudain me parler plus fort. Mais c’est dans les marges, dans les symboles griffonnés à la hâte, que je sens la vérité. Un murmure ancien qui traverse les siècles.

« Et si c’était elle... la véritable menace ? »

Ma voix est rauque, presque étrangère.

Lina me fixe, les sourcils froncés. Elle attend que je continue, que je verbalise ce que mon cœur refuse encore à croire.

« Cette créature... ce n’était pas une simple bête. Elle savait ce qu’elle faisait. Elle voulait ma lumière. Elle voulait… quelque chose. Comme si elle suivait un ordre. Un plan. »

Je reprends le grimoire de ma mère. Je me rappelle les paroles de la Déesse de la Lune :
« Ceux qui possèdent un pouvoir ancien et pur attirent les ténèbres. »

Et ce passage…

« Lorsque le sang des rois se mêlera à l’ombre d’un loup oublié, la Lumière et les Ténèbres renaîtront hors du sang royal. »

Je frissonne.

Je n’ai jamais compris ce que cela voulait dire. Mais aujourd’hui… ce n’est peut-être pas de la métaphore. Peut-être que je suis ce sang. Peut-être que ce "loup oublié" est réel. Et si ma lumière… n’était qu’un pion dans une guerre bien plus vaste ?

Lina tourne une autre page, et soudain, elle lit à haute voix :

« Les Khal’Zir. Elles ne viennent jamais seules. Elles sont les éclaireuses d’une guerre ancienne, au service d’un Maître de l’Ombre. »

Je me redresse brusquement.

« Un maître ? Tu veux dire que… quelqu’un contrôle ces choses ? »

« Oui, » murmure Lina. « Et s’il est vraiment de retour… alors l’attaque au bal, le loup dans le palais, cette dernière créature… tout cela n’est qu’un prélude. »

Un frisson glacé remonte ma nuque. Je revois les yeux sans âme de la créature. Je revois ce moment, juste avant qu’elle ne meure… ce sourire.

Pas un sourire de bête.

Un sourire… d’obéissance.

« On pensait que le danger venait d’ailleurs. Mais s’il est déjà ici ? Et s’il est… au palais ? »

Nos regards se croisent, lourds de cette vérité que nous refusions d’admettre jusqu’à maintenant. Le danger est peut-être bien plus proche. Il est peut-être déguisé en allié, en protecteur. Peut-être même… en roi.

Je referme le grimoire d’un geste tremblant. Une guerre approche, et je n’ai aucune idée de ce qu’on affronte. Mais une chose est sûre : nous devons découvrir qui est ce maître. Et pourquoi il veut ma lumière.

Lina se lève, le visage grave.

« On doit se préparer. On doit savoir ce qu’il cherche… et pourquoi c’est toi qu’il veut. »

Je hoche la tête.

« Il me veut… parce que je suis la clé. »

Elle me regarde, confuse.

Je pose une main sur le livre, sur les mots que je n’ai pas encore osé lire à haute voix.

« Parce que je suis la lumière née du sang royal. Et lui… il est l’ombre qui veut me faire disparaître. »

À SUIVRE…