Avec trois points d'interrogation, pour bien montrer l'emphase ! Sans blague, ce chapitre m'intéresse peut être plus que le précédent, car il me permettra de comprendre ce qui "bloque", ce qui inhibe l'hormone de la plume, ce qui empêche la plume de s'épanouir, ce qui met les ailes en panne. Je pense qu'interroger les non écrivains à ce sujet m'apportera des conclusions.
A aucun moment je ne me sens supérieure à ces gens, et si cela m'arrive involontairement, j'essaierai de dominer ce vain sentiment. Même chose pour l'orthographe : mes études en linguistiques m'ont rendue plus tolérante avec les gens qui "écrivent mal", là où avant j'étais avocate de la Belle Langue Française et Juge de la Grammaire, et que je cumulais alors que notre justice le prohibe.
Donc, merci aux répondant.e.s :
Je vais parler des zones grises :
Je songe d'abord (mes collectes se sont faites oralement, et donc j'aurai moins de belles phrases à citer que dans le chapitre précédent) à mon cousin d'Amérique, docteur en maths et musicien, surtout parolier, mais un peu écrivain. Il est dans la zone grise de l'écriture car il n'arrive pas à s'y mettre. Il a un blocage, je lui ai proposé un "partenariat d'action" (c'est lui qui m'a appris le nom de cette méthode, utilisée surtout aux USA et au Canada). Par exemple, il a un bel objet (un tourne disque ? je ne me souviens plus, car ce n'est pas un objet qui m'est familier) qu'il aimerait décrire, via une ode, mais il ignore quelle forme cette idée pourrait prendre. (à noter qu'en grec ancien, l'idée c'est la forme).
Je songe ensuite à un ex écrivain qui a perdu en dextérité (je me permets de filer sa métaphore, car lui parlait de muscle de l'écriture). D'ailleurs, une écrivaine a dit qu'elle écrivait pour travailler ce muscle. Ce qui me fait songer aux langues ou, plus physique encore, au piano, quoi que le piano soit de l'interprétation et pas immédiatement de la composition. Pour composer, il faut déjà avoir beaucoup interprété, du moins à l'école de musique et en conservatoire, cela marche ainsi.
Maintenant, je vais parler des gens qui n'écrivent pas.
Alors déjà, tout le monde écrit, techniquement. Ceux qui savent écrire. Et ensuite, tout le monde parle à moins d'être "non verbal", et j'inclus les langues des signes dans la parole bien que le canal diffère. Et parler, c'est déjà fabriquer des énoncés en choisissant des mots, et malgré ce que dit Orelsan (les gens les plus intelligents ne sont pas ceux qui parlent le mieux), qu'il présente comme un "basique", on peut parler d'intelligence verbale.
Je connais une personne en ligne, brillante, qui a dû écrire un ou deux petits textes comme des impressions de voyage, et avec qui je corresponds. C'est assez drôle qu'il se perçoive lui même comme n'écrivant pas, car je le connais via notre correspondance, privée certes. Il a aussi écrit une thèse en sciences dures. Il dit n'avoir rien à raconter, ou rien d'intéressant. Ici, c'est une sorte de grandeur d'âme, de modestie plus que de renoncement. Si l'écriture est un muscle, alors il parait logique de l'entraîner, mais si l'on conçoit l'écriture comme de la littérature, effectivement : quelle lacune combler ? (je fais le lien avec le chapitre précédent). Il arrive que l'on ne puisse écrire que du déjà écrit, ou que l'on ait cette impression, et que l'on ne veuille donc pas écrire.
Une connaissance, grande lectrice, n'écrit pas car elle dit manquer d'imagination. C'est un peu se dire : je n'y arriverais pas. C'est une réponse assez dévalorisante pour soi, et hélas assez répandue. C'est davantage "je ne sais pas trouver d'idées, je ne saurais même pas où chercher !" que "là maintenant, ya rien qui me vient, donc je n'écris pas". En somme, la première phrase dit : je ne suis pas écrivain, la seconde, je n'écris pas. La seconde, si l'on prend de la psychologie, est moins essentialiste et moins dévalorisante, et plus dynamique.
Je vous encourage à remplacer "je n'ai pas d'imagination" par "pour l'instant, je n'ai pas trouvé d'idée".

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D'encre et de pixels
Non-FictionEssai sur l'¨¦³¦°ù¾±³Ù³Ü°ù±ð. L'¨¦³¦°ù¾±³Ù³Ü°ù±ð fait couler beaucoup d'encre. Alors, pourquoi jeter l'ancre dans ce pays d¨¦j¨¤ surpeupl¨¦ ? J'attaque ce livre alors que j'ai d¨¦j¨¤ un peu ¨¦crit. 1) Qui suis je Liv Pirosh, pour ¨¦crire ? 2) Quels secrets de fabricati...