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Historique

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Les fictions historiques, si j'en lis peu et si je n'en écris pas (sur ce dernier point, il y a une explication assez simple), m'inspirent plusieurs questionnements. 

L'Histoire, cela peut être de grands évènements comme de petites choses, voire l'Histoire des mentalités ou des symboles (merci Pastoureau). Je pense à la micro histoire, un courant historique qui raconte la "petite histoire", celle d'un individu lambda dont on retrace la vie. Sur l'historiographie et l'Histoire, vous trouverez le blog d'Histony, ou Antoine Resche, un historien spécialisé dans le Titanic. Balzac ne pourrait plus le dire aujourd'hui, car aujourd'hui l'Histoire s'y intéresse, mais il souhaite "écrire l'Histoire oubliée par tant d'historiens : celle des mœurs". Alors on peut raconter de grandes batailles, comme de petites histoires dans la grande. 

Mon rapport au roman historique, en tant que lectrice d'abord, est que j'ai dû lire des classiques tels Notre Dame de Paris de Hugo qui se déroule au Moyen-Age et dont le personnage principal, c'est une banalité de le dire, est la cathédrale. Bientôt, je lirai pour un défi un livre de Peyramaure, auteur de littérature "populaire" et de terroir mort récemment, sans doute sur Degas, le peintre. S'immerger dans une époque passée, pourquoi pas, même si je tends à éviter les génocides dans mes lectures : trop douloureux. Quant à la rédaction, le problème tient en un mot : la documentation. Il faut beaucoup se documenter pour écrire une œuvre historique. Il faut lire, apprendre, comprendre et parfois admettre que l'on se trompe, cela demande une véritable immersion. 

La question des époques les plus représentées se pose aussi. Car le tableau de pays colonisés, par exemple, peut se faire dans une perspective décoloniale. Certains sujets sont connotés politiquement (l'Histoire étant profondément politique) : je pense aux croisades, en dépit du titre de Maalouf les croisades vues par les Arabes. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas s'intéresser à un sujet connoté d'un autre bord : on peut s'émerveiller de Versailles sans être royaliste, même si les royalistes s'en émerveillent. Moi même, je m'intéresse au  baptême de Clovis. Mais revenons à la littérature. Certaines époques, et contextes, comme Versailles ou la seconde Guerre Mondiale semblent revenir plus que d'autres. Mon père et moi nous intéressons au Néolithique, et avons lu Les dix millénaires oubliés qui ont fait l'Histoire, de Jean Paul Demoule. Très peu de fictions se déroulent à la préhistoire, il y a bien Pourquoi j'ai mangé mon père  mais rien (ou presque) au néolithique. Si j'en avais l'énergie, j'écrirais une fiction du néolithique. 

Le "récit historique" figure dans le schéma de la Distinction de Bourdieu comme plutôt apprécié des bourgeois ayant un fort capital économique, mais un moins fort capital cul (turel, qu'alliez vous imaginer). C'est vrai que lire une biographie romancée de Marie Antoinette par exemple, ce n'est pas trop dans ma culture. 

A mon sens, la fiction historique peut être didactique, mais je ne pense pas qu'il faille prendre des romans historiques pour des livres d'Histoire, même lorsqu'ils sont conçus pour nous faire découvrir une époque, car cela reste un divertissement. Le roman suscite l'émotion, le document historique, la critique. Dans un roman les évènements ont un but narratif, l'histoire n'a pas de but. Et ainsi de suite. 
L'Histoire fournit de la matière aux romanciers, c'est certain. Et c'est souvent dépaysant, des "livres en costume". L'Histoire peut côtoyer la romance ou le thriller, comme celui sur Cicéron et son secrétaire Tiron, écrit par Robert Harris (il s'agit d'une trilogie). Faire parler ou écrire des personnages historiques (Tiron aurait réellement écrit une trilogie sur Cicéron, mais elle ne nous est pas parvenue, c'est donc un exercice que d'imaginer cette trilogie), c'est tout un défi. J'ai lu les Mémoires d'Hadrien, de Yourcenar, où l'on est plongé dans l'esprit du narrateur, Hadrien lui-même. 

On peut, enfin, se détacher un peu de la rigueur historique, car dans une fiction c'est permis, comme dans Kaamelot. Même s'il est plutôt question de film, je cite Antoine Resche pour finir :

"le souci est ici celui de la compatibilité de l'histoire avec sa représentation. Écrire l'histoire en tant qu'historien, c'est souvent formuler des hypothèses, les pondérer, jongler entre elles, souligner les zones de vide et faire comprendre que La Vérité n'existera jamais totalement. C'est ce qui est passionnant. Mais en matière de représentation, un problème se pose : on ne peut justement pas laisser de vide. Comment représenter ce qui n'est pas documenté ?"  (Antoine Resche) 



D'encre et de pixelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant