J'étais maintenant assise dans le canapé du salon, un peu hébété par tout cela. J'avais encore ses lunettes rondes, dont je ne savais toujours pas si elles étaient or ou argent, dans les mains. En m'en rendant compte je les posais sur la table basse. Il était partit prendre une douche, sous mon indication, et avait accepté que je lave ses affaires. Il devait donc passer la nuit ici, surement. Oui, il semblait perdu ici. Alors d'où venait-il? Comment se faisait-il qu'il soit là chez moi? Que je ne l'ai pas entendu entrer, en plus la porte devait être fermée à clé. L'était-elle vraiment? Et si j'allais voir? Oui et si j'allais voir. Je me levais et abandonnais le salon toujours éclairé, et mon travail qui aurait dû occuper ma fin de soirée, mais qui tout d'un coup semblait ne plus exister. Je fus bien vite dans l'entrée. Comme je le pensais la porte était fermée. Alors comment avait-il pu entrer chez moi. Peut-être par la cuisine, la porte fenêtre. C'était mon dernier espoir pour savoir comment il avait pu entrer. Je me rendais donc dans la cuisine, il me sembla que le trajet prit des heures, comme si mes jambes refusaient de me porter jusque là-bas, comme si ce que j'allais y trouver risqué d'anéantir ma vie. Non, je connaissais bien cette sensation, ce sentiment qui était loin d'être faux. Au-delà de la non-envie de me lever tout à l'heure pour faire du café, il y avait autre chose. Pour le moment le fait que mes jambes risquaient de me lâcher n'était pas le plus gros du problème, c'était juste une sorte d'effet secondaire. J'attrapais le cadre de la porte de la cuisine ouverte, la main tremblant bien trop. J'avais un mal fou à respirer. Pourquoi à nouveau? Ma respiration se fit de plus en plus saccadée et sifflante. Ca faisait longtemps que ce n'était pas arrivé, et à vrai dire ça ne m'avait pas manqué le moins du monde. Cette fausse impression que j'aillais mourir, ne parvenant plus à respirer. Je ne me souviens pas d'être entrée dans la cuisine.
Je me souviens juste de m'être réveillée dans mon lit, l'homme aux lunettes d'or ou d'argent assit à côté de moi sur une chaise, assoupit. J'étais toujours habillée de mes vêtements de la veille, et sous la couverture, pour ne pas attraper froid, j'imagine. Pourtant nous étions en été. Lui avait les habits que je lui avais prêtés, un costume bleu qui avait appartenu à mon frère et qu'il avait oublié ici, et que j'avais omis de lui renvoyer. J'avais bien fais de le garder, même s'il semblait un peu trop grand pour cet homme. Je restais allongée dans le lit, faisant le moins de bruit possible. J'avais encore le souffle court. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu une crise. Peut-être que j'avais trop travaillé, et que la venue de cet homme n'avait pas arrangé mon état. Ou peut-être pas. Bien vite je m'assoie dans le lit. Je n'aimais pas rester allongée. Le mouvement aussi peu bruyant que je l'avais voulu, le réveilla tout de même. D'un geste sûr et précis, il remonta les lunettes qui avaient glissé. Les lunettes et le costume lui donnaient l'air d'un homme sorti des années 30, peut-être d'un de ces films en noirs et blancs, où rode la mafia. Il avait les cheveux attachés, les laissant pendre négligemment dans son dos. Il me souria sans que je compris vraiment pourquoi, peut-être par simple politesse. Et bientôt, il me demanda ce qu'il s'était passé. Alors je lui expliquais.
-Quand j'étais petite, j'étais asthmatique. Je fais encore des crises quelques fois. Mais ça fait un moment que je n'en avais pas fait une. J'ai dû trop travailler. Mais dites-moi pourquoi vous êtes ici?
-Je ne sais pas, soupira-t-il en posant les mains sur ses genoux. J'avais une amie qui me disait des fois, que tout arrive pour une raison, que rien n'est laissé au hasard, comme si tout était écrit à l'avance. Pourtant nous pouvons toujours changer les choses. Notre destin n'est pas écrit sur un mur. Sur ce point elle avait tort, certaines choses ne peuvent pas être changées.
-Qui était cette amie? demandais-je avec la curiosité plus commune aux enfants.
A cette question son regard vert, où dans la lumière du petit jour je croyais voir un peu de jaune sans en avoir la certitude, sombra une fois de plus dans la nostalgie et la mélancolie. Avec au coin de l'œil, une lueur de douleur que je n'avais pas vu auparavant. Je compris qu'il fallait mieux changer de sujet assez vite. Une sorte de tempête avait lieu dans ses yeux clairs.
-Vous comptez rester ici longtemps? demandais-je alors pour changer de sujet sans trop s'en éloigner.
-Je ne sais pas, répondit-il probablement perdu dans ses souvenirs. Je ne sais même pas pourquoi je suis ici, ni où je suis vraiment. Oui, d'ailleurs où sommes-nous?
Sur cette phrase son regard se ralluma d'une lueur de curiosité et perdit sa nostalgie, et sa douleur. Je m'assis plus confortablement dans le lit comme j'avais l'impression que je ne le quitterais pas de sitôt, et je lui répondis simplement.
-Vous êtes en France.
-En France, répéta-t-il comme étonné de l'entendre dit.
-Vous venez d'où?
-De Biankia. Enfin du désert des lamentations.
-Biankia, le désert des lamentations... C'est où tout ça?
-Très loin d'ici. Tu ne me croirais pas si je te disais où c'est. Personne ne me croirait. Je ne sais même pas pourquoi et comment j'ai pu la croire, quand elle me l'a montré. Mais je peux peut-être te montrer si tu veux. En plus je t'ai promis un voyage.
Il se leva d'un bond comme s'il était plein d'entrain, mais sa voix était traînante et triste presque douloureuse à vrai dire. J'avais maintenant l'impression qu'il ne me ferait pas de mal. Ça venait peut-être de ses yeux verts. Mais surtout alors qu'il était debout je lui demandais une fois de plus pourquoi il était venu chez moi. Il me dit que quelque chose l'y avait poussé. Une chose comme la fatalité. Notre rencontre était-elle à ranger dans la pile des mauvaises choses, aux crépuscules de nos vies. Je pensais qu'il s'agissait d'un heureux hasard égayant nos jours dans ce monde.
Il tendit une main vers moi et me dit de la prendre. Je le fis, dans son autre main un drôle de pendentif brillait. Il me demanda de fermer les yeux. Encore une fois, sans hésitation je m'exécutais.

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Polaris
Science FictionCeci est le premier tome des Voyages de l'impossible. Il s'agit des aventures de certains personnages, à travers les é迟辞颈濒别蝉, gr?ce à un étrange 尘é诲补颈濒濒辞苍. Dans ce tome-ci, nous allons suivre Danielle une jeune femme qui vit sur Terre à notre épo...