>> Fermín
Une catastrophe, un désastre, un fiasco, un cataclysme. Y avait pas d'autres mots pour décrire le shooting que j'avais vécu avec Anaëlle. Il n'y avait eu aucune cohésion entre nous ou même de connexion.
J'avais bien vu les grimaces qu'essayait de cacher Yves à chaque fois que le photographe capturait un nouveau cliché et j'espérais vraiment que Marcelino penserait à me changer de binôme. Ça ne le fera jamais avec Anaëlle, elle m'exaspérait tellement que je n'arrivais pas à me concentrer, réfléchissant plus à comment la faire tomber plutôt qu'à avoir une synergie avec elle.
Je n'avais jamais posé pour quoique ce soit et je me rendais compte que ce boulot était vraiment compliqué, surtout quand on ne s'entendait pas avec sa coéquipière. Mais rien n'y faisait, tout me faisait souffler chez elle. Que ce soit la façon dont elle souriait à la caméra ou son visage faussement professionnel qu'elle revêtait.
Je ne savais même pas que c'était possible qu'une personne m'horripile à ce point.
- Fermín ? C'est bon ?
Sortant Anaëlle de mon crâne, mes yeux se concentraient sur l'autre blonde qui était face à moi, me tendant un sac à dos du bout de la main. Debout devant Marta, j'avalais difficilement ma salive avant d'attraper le sac noir que je faisais basculer sur mon dos dans un silence. J'étais planté dans son entrée depuis une dizaine de minutes, attendant patiemment que mon ex ait fini de réunir mes dernières affaires pour me les rendre.
C'était la première vraie rupture que je vivais et je pouvais vous promettre que c'était vraiment douloureux. Il était facile de laisser croire aux autres que tout allait bien, que Marta n'était qu'une petite-amie mais, cependant, c'était ma petite-amie depuis pratiquement deux ans. Sûrement naïvement, j'avais eu des projets pour elle et moi, on parlait déjà de s'installer ensemble et, du jour au lendemain, elle avait baissé les bras.
Elle m'avait fait venir un soir chez elle pour m'avouer qu'elle ne m'aimait plus. Tout simplement. Rien de plus. Elle ne m'aimait plus.
Il n'y avait pas un autre mec dans sa vie, je ne l'avais pas trompé, aucune souffrance mutuelle entre nous et, en un instant, son cœur avait décidé de m'expulser et de refermer ses deux grandes portes, me laissant tout pantois sur le bas côté de la route. Cette soirée remontait à trois semaines en arrière et c'était toujours insupportable de la même façon depuis.
- Bonne continuation, je te souhaite le meilleur pour ta carrière, me souriait Marta avec son éternel rictus radieux dont j'étais amoureux.
- Ouais, toi aussi.
- Fermín, m'en veux pas s'il te pl-
- Qu'est-ce que j'ai fait pour que tu ne m'aimes plus ?
Le regard de Marta se brisait l'espace d'un instant avant qu'elle ne semble se reprendre en serrant ses mains devant son ventre. Je devais ressembler à un pauvre chien que l'on abandonnait sur le trottoir avant le grand départ en vacances. Je devais faire pitié, pire que Pablo quand il essayait de se rattraper auprès d'Elvira après ses dizaines de conneries.
- Je... C'est compliqué.
- Qu'est-ce qui est compliqué ? Marta, on était heureux non ?
- Oui mais... Bon d'accord, je vais être honnête. Je ne peux pas m'y faire avec ta célébrité. Vivre dans ton ombre et ne jamais pouvoir sortir avec toi sous peine que tu sois reconnu, c'est étouffant.
- On peut s'arranger, on peut arrêter de se cacher-
- Fermín, j'ai rencontré quelqu'un.
Comme si on venait de me lancer un javelot dans le ventre, je faisais un pas en arrière avant de dévisager Marta et j'avais l'impression que son image dans ma tête prenait une toute autre allure. La teinte verte du dégoût remplaçait le rose de la douceur que mon ex m'avait toujours inspiré et, d'un coup, la haine et l'écœurement venaient boucher les crevasses qu'avait crée la blonde sur mon cœur.
Son regard s'adoucit brutalement et je voyais toute la peine qu'elle ressentait pour moi. Ça me donnait envie de vomir, je n'étais pas celui qui devait avoir honte dans l'histoire.
- Quand ? crachais-je simplement, ayant de plus en plus de mal à regarder Marta dans les yeux.
- Ce n'est encore qu'un ami mais je m'entends vraiment bien avec lui. Et je ne suis pas du genre à tromper mes petits-amis alors... Je préfère qu'on en reste là, toi et moi.
- OK, je hochais de la tête en regardant partout autour de moi. Très bien.
- Je l'ai fait pour nous, pour qu'on ne souffre pas.
- Bonne soirée Marta.
Avalant amèrement ma salive, je ne jetais pas un regard de plus vers mon ex et quittais immédiatement son appartement sous peine d'exploser. Un cocktail négatif marinait patiemment dans mes intestins et je redoutais le moment où je relâcherai tous ces sentiments dont je n'arrivais pas à mettre un mot dessus.
Dans un sens, j'enrageais à l'idée que Marta aime quelqu'un d'autre plus que moi et, d'un autre, j'avais l'impression d'être reconnaissant envers elle pour ne pas avoir attendu de déraper avec ce type quand on était encore ensembles.
Alors c'était avec ces émotions partagées que je retournais dans ma voiture en jetant furieusement mon sac à dos sur la banquette arrière. J'espérais vainement que mes affaires ne sentiraient pas le parfum de Marta et je me voyais déjà faire quinze mille machines pour effacer jusqu'à la dernière odeur de mon ex.
On avait eu une belle histoire, elle et moi, et je tirais un trait sur deux années où j'avais été amoureux, sincèrement. Marta était ma vraie première relation et j'avais toujours tout fait pour qu'elle soit heureuse, la couvrant d'attention et essayant de la faire rire le plus possible. Sans prétention, je me demandais vraiment ce que son "ami" avait de plus que moi.
"Certainement pas de l'argent" pensait égocentriquement mon subconscient.
Dans les alentours de vingt-deux heures, je me garais en bas de l'immeuble d'Elvira avant d'en sortir et de me dépêcher pour entrer dans le hall. Je n'avais pas réellement envie de faire une séance dédicaces à cette heure-ci alors j'avais appris par cœur les codes des deux digicodes pendant le trajet, histoire de ne pas perdre trop de temps.
L'ascenseur en marche me montait à l'étage de la copine de Gavi et je soupirais déjà en me maudissant pour avoir avoué que je récupérais mes affaires ce soir chez Marta, lors de l'entraînement de la veille. Pablo en avait parlé à Elvira et cette dernière avait longuement insisté pour que je passe les voir après.
- Qu'est-ce que tu fais là toi ?
- Bonsoir Fermín, c'est également un plaisir.
Les sourcils froncés, je regardais Enola de haut en bas pour m'assurer qu'il s'agissait bien de la rousse devant mes yeux, et non d'une hallucination. Puis, une lumière s'alluma au niveau de mon cerveau et je comprenais bien vite que le duo Gavira n'avait pas tenu sa langue face au duo Gonzalez et que, de ce fait, j'allais devoir me taper deux couples alors que je sortais d'une rupture compliquée.
Retenant un râle dans ma gorge, je faisais la bise à Enola avant d'entrer et de me déchausser. Dans le petit salon d'Elvira, j'entendais des éclats de voix et des rires, et je réfléchissais à faire discrètement demi-tour pour fuir cette soirée qui s'annonçait déjà mal. Sauf qu'évidemment, la Valkyrie me bloquait l'accès en restant derrière moi et je la fusillais du regard quand elle me souriait malicieusement.
Peut-être qu'Enola était vraiment la petite-amie de tous mes coéquipiers, que je détestais le plus.
- Ah Fermín ! s'exclamait Elvira lorsqu'elle me vit en sortant de sa cuisine.
Son interpellation fit s'arrêter la discussion entre Pablo et Pedro, qui levaient la tête depuis le canapé en me souriant comme deux gros cons. Ils allaient me cuisiner tellement salement que je regrettais déjà d'avoir accepté la proposition de l'étudiante en art.
- T'en as mis du temps vieux, viens ici, m'appelait Pedro en tapant la place du milieu sur le sofa.
- Commencez pas, grognais-je avant d'avancer jusqu'à eux comme si on m'envoyait sur la chaise électrique.
- L'embêtez pas, ça n'a pas dû être facile, compatissait Elvira après m'avoir tendu un verre de soda. Si t'as pas envie d'en parler, t'es pas obligé.
- Arrête de le prendre pour un enfant, Elvi', soufflait Pablo.
- Je le prends pas pour un enfant, je sais que les ruptures c'est jamais facile.
- Mais on n'a jamais rompu, toi et moi.
Un silence profond suivait la dernière phrase et je manquais d'exploser de rire devant le peu de réactivité dont faisait preuve mon coéquipier. Pablo n'était pas vraiment doué en matière de couple et il nous le montrait une énième fois. L'allusion d'Elvira à des anciennes relations ne semblait pas avoir été comprise par son copain qui l'observait avec les sourcils froncés, réfléchissant sérieusement à une possible rupture dans leur couple.
Puis, il fallut juste que je croise le regard d'Enola qui était à deux doigts de craquer, pour que j'éclate de rire en cœur avec Pedro qui avait également compris la situation. Les deux bras autour de mon ventre, j'en pleurais presque, surtout quand Pablo jurait lorsque l'information se traita dans son étroit cerveau.
- Bref, raconte-nous toi, au lieu de rigoler, grommelait le râleur en me poussant avec ses deux mains.
- Y a rien- Rien à dire, je reprenais difficilement ma respiration avant de me redresser et de souffler un bon coup. Elle m'a rendu mes affaires et c'est bon, je passe à autre chose.
- Tu ne nous avais pas dit que tu voulais retenter ? demandait Elvira et je la haïssais pour se souvenir aussi bien de petits détails.
- Si mais, elle a déjà quelqu'un en vu alors je pense que c'est un peu mort là.
Je ricanais ironiquement en me grattant l'arrière du crâne et plus personne n'osait dire un mot, même pas Enola qui ne semblait rien trouver de marrant à me balancer. Quelques gorges se raclaient au passage et j'étais quelque part content d'avoir jeté un froid pareil, histoire qu'ils arrêtent un peu de vouloir se mêler de mes histoires personnelles.
Comment on pouvait réconforter quelqu'un quand il annonçait de but en blanc qu'il n'était pas assez bien pour sa copine ?
- Et... Sinon ce shooting ?
Je pouffais de rire à la question de Pedro, ça aussi ça allait être drôle à raconter.
- Une catastrophe, un désastre, un fiasco, un cataclysme, récitais-je proprement en faisant tourner mon verre vide entre mes paumes de main. Va falloir que je change de binôme à ce stade.
- Sérieux ? Pourquoi ? m'encourageait Elvira, avachie sur un des poufs face au canapé, l'autre étant occupé par l'Amazone.
- Je sais pas, c'est trop bizarre mais ça colle pas entre elle et moi. Carrément ça se voit sur les photos, on dirait limite un montage tellement y a pas de cohésion avec Anaëlle.
- Anaëlle ? me reprenait Enola avec les sourcils froncés. C'était pas Annabelle ?
- Si, si, Annabelle, pardon.
Je cachais mon sourire malicieux et sortais mon téléphone de ma poche pour montrer ce que l'agence nous avait envoyé dans l'après-midi. J'esquivais royalement le message de Marta qui me souhaitait une bonne continuation, et passais directement mon portable en mode paysage pour que tout le monde puisse constater le désastre.
Je n'avais même pas besoin de lever la tête vers mes amis puisque leurs grimaces étaient presque assourdissantes. En même temps, même un aveugle verrait qu'il n'y avait aucun cohérence entre Anaëlle et moi.
- Alors... commençait douteusement Elvira.
- C'est que... essayait par la suite Pablo.
- On dirait que, continuait Pedro.
- Vos deux physiques vont trop bien ensemble, mais par contre pourquoi on a l'impression qu'elle a envie de t'étouffer avec ses yeux ? tranchait Enola.
- Je vous ai dit, on s'entend pas avec Annabelle.
- Pourtant c'est dommage, vous allez bien ensemble, m'assurait honnêtement Elvira. Vous ressemblez à Barbie et Ken.
- Ouais, exagère pas non plus.
- Non en vrai, elle a pas tort, me contredisait Pedro avec une main sous le menton. Elle est mignonne.
Je décalais ma tête au bon moment pour que le coussin ne m'atterrisse pas dans la joue et qu'Enola ne loupe pas sa cible en attaquant son copain. Je riais légèrement avant de soupirer et d'inspecter les clichés du shooting, faisant défiler photo par photo. Petit à petit, je comprenais ce que voulaient dire Elvira et Pedro en m'assurant que physiquement, on se correspondait bien avec Anaëlle.
Mais il était vraiment compliqué d'apprécier réellement les photos lorsque l'on constatait qu'il n'y avait aucune complicité entre nous. C'était comme regarder un tableau ennuyant, il n'y avait pas de chaleur, pas d'attraction, c'était plat.
- De toute façon, cherchez pas, on fera jamais mieux avec Annabelle.
- Attention, il va nous sortir le discours froid du mec qui déteste sa collègue, ricanait déjà Pablo tandis que je le dévisageais. J'ai tort ?
- Il est pas question de ça là, je suis en train de vous expliquer que je suis dans la merde avec la campagne parce-que ça donne rien et que les clichés sont nuls.
- C'est pas grave, vous ne vous connaissez pas encore alors il faut attendre un peu. Ça rendra mieux après, me rassurait Elvira dans un sourire.
- Je la-
- Déteste, jamais ça rendra mieux, me coupait Pedro avec un air de con. Allez Fermín, on sait comment ça va finir avec ta mannequin et tu vas vite l'oublier Marta.
- Et puis au pire, reprenait Enola avec un rire jaune tout en fixant son copain. Si tu as besoin de conseils pour les ruptures compliquées, je sais ce que c'est de s'être fait quitté pour un motif idiot.
- Enola... grognait déjà Pedro, me faisant sourire en coin.
J'allais adorer la suite des événements.
Et Pablo aussi semblait se régaler à la vue du rictus qu'il dissimulait derrière sa main. Il en avait tellement bavé avec Pedro et ses remontrances au sujet de son couple, que ça devait le faire jubiler d'entendre son bourreau se faire attaquer.
- Oh pardon, ce n'est pas toi qui m'as quitté parce-que ton grand ami avait menti à mon sujet ?
- On a déjà réglé ça, c'est pas le sujet.
- On parle de rupture idiote, je crois qu'au contraire on est pile dans le sujet.
- Si tu veux reparler de ça, attends qu'on rentre chez moi.
- Pensez à moi pour être le parrain de votre gosse dans neuf mois.
Ma remarque fit éclater de rire Pablo et Elvira, et le couple Gonzalez s'empressait de m'en foutre plein sur la gueule, uni comme jamais, alors que chaque personne dans la pièce savait pertinemment comment cette histoire allait se finir.
On la connaissait la menace "attends qu'on rentre", tout le monde la connaissait.
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hellooooo ! j'espère que vous allez bien
on commence la semaine avec un petit chapitre et je vous dis à vendredi :)
💙❤️