?IMAGINE?

/Lycée Voltaire, 1963 – Bordeaux, France/

Le carillon du lycée Voltaire résonna dans les couloirs, accompagné du bruit des pas précipités des élèves. Le printemps venait d’arriver, mais l’ambiance restait tendue. Depuis que les filles avaient été admises dans cet ancien établissement réservé aux garçons, tout semblait bouleversé.

Tp, nouvelle élève, avait l’habitude de la méfiance et des regards insistants, mais au lycée Voltaire, c’était encore plus fort. Certains la regardaient avec curiosité, d’autres avec dédain. Mais parmi eux, il y en avait un dont le regard n’était ni moqueur ni intrigué : Joseph Decamps.

Élève intelligent, discret, souvent dans son coin, Joseph n’était pas du genre à se faire remarquer. Pourtant, Tp le remarqua tout de suite. Il avait cette façon étrange de regarder le monde, comme s’il analysait tout, sans jamais s’imposer. Et quand leurs regards se croisèrent pour la première fois, ce fut bref, mais intense. Elle vit dans ses yeux quelque chose qu’elle n’avait pas vu ailleurs : du respect.

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/Jour 1/

C’était pendant un cours d’histoire. M. Bellanger interrogeait la classe sur la guerre d’Algérie, un sujet encore brûlant. Tp, passionnée d’histoire, leva la main pour répondre. Sa voix, posée mais assurée, expliqua l’importance du cessez-le-feu de mars 1962 avec une clarté impressionnante.

À côté, Joseph tourna la tête vers elle, impressionné. Elle sentait son regard sur elle, mais fit semblant de ne pas le remarquer.

À la fin du cours, alors qu’elle rangeait ses affaires, une voix timide l’arrêta.

— Tu as très bien parlé. C’était… juste.

Elle leva les yeux. Joseph se tenait là, les mains dans les poches de son pantalon trop grand, un sourire léger aux lèvres.

— Merci, répondit-elle. C’est rare d’être écoutée, surtout ici.

Il hocha la tête.

— Ici, tu dois te battre pour être entendue. Mais je t’ai entendue.

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/Jour 5/

Quelques jours plus tard, M. Bellanger imposa un devoir en binôme. Le hasard — ou la chance — voulut que Tp soit associée à Joseph.

Ils se retrouvèrent à la bibliothèque après les cours. L’atmosphère était silencieuse, presque solennelle. Joseph parlait peu, mais il l’écoutait. Vraiment. Il prenait le temps de réfléchir avant de répondre. Tp aimait ça. Elle, qui avait souvent été traitée de trop vive, trop intelligente, trop... trop tout, trouvait en Joseph un écho apaisant.

Ils travaillèrent ensemble pendant deux heures. Puis, une pause. Elle s’étira sur sa chaise en soupirant.

— Tu crois qu’un jour, ils arrêteront de nous juger ? demanda-t-elle.

Joseph fronça les sourcils.

— Peut-être pas tous. Mais moi, je te juge pas. Je t’admire.

Le silence qui suivit fut doux. Pas gênant. Elle sourit, et pour la première fois, Joseph rougit.

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/Jour 12/

Un samedi après-midi, après les cours, Tp se dirigea vers la cour du lycée pour récupérer un livre oublié. Elle entendit une voix l’appeler.

— Tp !

Elle se retourna. C’était Joseph, assis sur le muret du fond, son cartable à ses pieds.

— Tu fais quoi là ? demanda-t-elle en s’approchant.