— Gavyn !
Sans chercher à frapper, Uriel déboula dans ma chambre alors que je m'habillais, suivi de près par ma sœur, Joy.
— Toujours à crier dès le matin, me plaignis-je.
Ce qui les fit rire tous deux.
Expression soudainement sérieuse et mains derrière le dos, Uriel marcha lentement autour de moi, son regard bleu longeant mon corps à moitié nu. Je l'observais faire, un sourire en coin sur le visage. Après deux tours, il s'arrêta devant moi, et, ses yeux fixant les miens, posa une paume sur mon abdomen. Ma respiration s'arrêta instantanément et je déglutis discrètement.
— La natation te réussit pas mal, dommage que ton développement n'atteigne pas le mien, railla-t-il.
Mon jean en main, je m'en servis pour le fouetter avec, avant d'enrouler mon bras autour de son cou. Ce fut là la seule réponse que je pus lui donner. Il savait combien cette différence m'embêtait. Je faisais de la natation depuis mon plus jeune âge alors qu'Uriel avait débuté la street dance depuis 4 ans et montrait des progrès incroyables, sur ses performances comme sur son physique. C'était... injuste. Je me défonçais tout autant que lui mais, hormis raffermir mon corps, mon métabolisme refusait de coopérer.
Je relâchai Uriel après qu'il m'ait envoyé un coup de pied dans la jambe ; je laissai échapper un sifflement de douleur entre mes dents serrées, sous les rires d'Uriel et de ma petite sœur corrompue.
— Uriel, Gavyn est levé ?
— J'arrive, maman ! lui répondis-je.J'enfilai mes derniers vêtements alors qu'il se rattachait les cheveux, rassemblant ses boucles châtaines en un petit chignon flou à l'arrière de sa tête. Il prit ensuite son acolyte dans ses bras ; cette dernière n'attendant que ça avait déjà les bras tendus vers Uriel. Je les suivis jusque dans la cuisine où mon père était déjà attablé, lisant son journal, pendant que ma mère mettait la table.
— Dépêchez-vous de manger, les garçons, vous allez être en retard.
Cette routine durait depuis plus de 10 ans. Uriel venait me chercher tous les matins et devenait un membre à part entière de cette famille dès l'instant où il passait la porte. Comme je faisais partie de la sienne lorsque je me rendais chez lui.
Aujourd'hui, nous entrions en 12th grade mais les années avaient beau passer, je les voyais à peine défiler. Il y avait pourtant bien un moment où je m'en souvenais - à chaque rentrée scolaire. Pour des raisons inconnues, mes pas ralentissaient toujours à mesure que je m'approchais de l'enceinte de Lincoln Park High School. J'entrais dans ma 3ème année de lycée maintenant, et je n'y avais rien vécu de traumatisant mais je continuais d'avoir la poitrine nouée. Chaque reprise m'angoissait. Je ne savais jamais à quoi m'attendre, je n'aimais pas ce sentiment d'inconnu.
Une main sur ma nuque, Uriel m'offrit un regard complice.
— On y va ?
Je hochai la tête brièvement. Il passa son bras autour de mon cou et m'entraîna à l'intérieur.
— Gavyn ! Uriel !
Jacob courait vers nous. Il posa une main sur mon épaule une fois à notre hauteur.
— Encore en train de gérer les angoisses de Gavyn ? ricana-t-il.
Je connaissais Jacob depuis mon entrée au lycée ; il ne lui avait pas fallu plus de temps pour comprendre que mon état actuel était une chose récurrente.
Toujours son bras autour de mon cou, Uriel glissa sa main libre sur ma joue et tourna mon visage vers lui, à quelques centimètres du sien. Je n'aurais su dire à cet instant précis si ma difficulté était encore due à ma phobie scolaire ou autre chose... quelqu'un.
— Gav, ça va aller, me souffla-t-il.
Ses yeux fixaient les miens, et je me sentis subitement mis à nu. Comme chaque fois qu'il me regardait de la sorte, en vérité. Mais aujourd'hui, j'étais particulièrement effrayé qu'il puisse découvrir quoi que ce soit. Je détournai instinctivement le regard.
— Regarde-moi, m'intima-t-il doucement.
J'obtempérai, avec une légère réticence.
— Ça va aller, répéta-t-il sur le même ton, avant de coller son front au mien.
Mon cœur rata un battement. Je tentai de cacher ma respiration haletante. De faire abstraction des mèches ondulées qui s'étaient échappées de son chignon et venaient me chatouiller le visage, de son souffle chaud caressant ma peau. D'oublier tout ce qui me paraissait étrange de remarquer.
Et très rapidement une sensation bien plus familière, rassurante, apparut. Je fermai les yeux, apaisé, parce que cette proximité était une habitude, une constante ; elle me rappelait la maison.
Je relevai la tête et contemplai Uriel, me demandant ce que je ferais s'il n'était pas entré dans ma vie. Me rendant compte, une fois de plus, combien son amitié m'était indispensable, combien j'étais prêt à sacrifier pour ne pas le perdre. Je le remerciais intérieurement pour le soutient qu'il m'offrait lorsque j'étais au plus bas, pour être là et vivre à mes côtés au quotidien ; je le remerciais d'être le frère que mes parents ne m'avaient pas donné. Comme s'il avait entendu mes pensées, il me sourit et m'entraîna une nouvelle fois à l'intérieur.
Je le suivis, le cœur encore lourd.
Peu importe ce que je me disais pour me convaincre, je savais déjà que ce je ressentais pour l'adolescent enjoué à mes côtés n'avait rien de familial ou d'amical. Ça faisait des mois que ça durait, mais je continuais à me mentir en espérant que ces sentiments me quitteraient bientôt. Ça n'avait pas été un franc succès jusqu'ici...
Mon souffle se faisait court chaque fois que je me trouvais dans son périmètre. Ses gestes d'affection qui, il y a quelques temps, me faisaient sourire, me mettaient aujourd'hui dans tous mes états. Mes pensées avaient pris depuis peu un tournant... que je qualifierais d'inavouable ; mes rêves de caresses pures et timides s'étaient transformés en des songes chauds et moites, adultes. Chacune de ses relations me tuait ; je faisais la sourde oreille à toutes les anecdotes qu'il aurait pu me raconter les concernant.
Je vrillais littéralement, me sentant coupable à chaque seconde que je passais en sa présence.

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Anyone Except U
Teen FictionEntre Gavyn et Uriel existe une amitié de toujours. Plus que des amis, nos deux adolescents s'aiment comme des frères. Un lien fraternel qui sera mis à rude épreuve quand Gavyn ressentira des choses qu'il n'aurait jamais soup?onné jusqu'ici... Affe...