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Clotaire-L'amour Ouf

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C'était ma toute première journée au lycée. Moi, petite nouvelle, fraîchement débarquée avec ma sœur Jackie. Deux ans séparaient nos âges, mais aujourd'hui, dans ce bus bondé qui nous emmenait vers cette nouvelle vie, cette différence semblait minuscule. On s'était habillées un peu au pif, des jeans délavés, des vestes en jean trop grandes, nos Converse usées. Dans les années 80-90, tout le monde s'habillait comme ça, et c'était pas plus mal. Ça nous permettait de passer inaperçues… enfin presque.

Quand le bus s'est arrêté devant l'entrée du lycée, y avait cette bande de mecs appuyés contre les barrières. À leur tête, un gars que je n’avais jamais vu mais que je n’oublierai jamais. Clotaire. Brun, des yeux brillants, une gueule de voyou, le crâne rasé et son petit sourire en coin comme s'il s'amusait du monde entier.

À peine avions-nous posé un pied hors du bus qu'il a commencé.
— Eh, c’est quoi ça ? Deux nouvelles meufs pour animer nos journées ! Y va pleuvoir ou quoi ?!

Ses potes ont éclaté de rire. Moi et Jackie, on s’est échangées un regard. Elle, elle savait répondre du tac au tac. Et moi, même si je n'avais pas sa tchatche, je détestais qu'on me cherche.

— Regarde-toi avant de parler, blaireau, a lâché Jackie sans sourciller.

Moi, j'ai suivi :
— Ouais, c’est pas comme si t’avais inventé la beauté !

Ses potes ont encore plus rigolé, sauf que cette fois, c'était pas pour se moquer de nous. C'était pour se foutre de lui. Et Clotaire, lui, il m’a regardée. Pas Jackie. Moi. Un regard, un seul, et je vous jure… j’ai senti comme un éclair me traverser le ventre. Les fameux papillons. Un truc incontrôlable, un truc magique.

Je comprenais pas. Comment juste en le regardant, en l’entendant sortir ses conneries, je pouvais ressentir autant ?

Ce fut le début de tout.

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À partir de ce jour, on n'a fini par commencer à devenir pote et même à ce faire des petits sortie.
Soit avec ses potes, avec Lionel qui était en seconde année au lycée et qui traînait toujours avec lui. Parfois, c'était même juste nous trois : Jackie, Clotaire et moi. Et puis, de plus en plus souvent… juste Clotaire et moi.

On allait au ciné. À la plage, même en hiver, avec nos vestes et nos écharpes. On traînait au café du coin, on s'inventait des défis débiles, on passait des heures à parler de tout et de rien.

Je vivais pour ces moments-là.

Même si, au fond de moi, il y avait toujours cette putain de peur. Parce que Clotaire, il était trop souvent avec Jackie. Ils rigolaient, se charriaient. Je voyais leurs regards complices et je me disais : c'est mort.
Même si Jackie me disait que non. Même si elle riait quand je lui faisais remarquer.
— Pff, arrête. Clotaire ? Il m'aime pas comme ça, t'es bête ou quoi ?

Mais moi, je voyais bien.

Je la voyais, elle, magnifique, solaire, avec son sourire éclatant et ses cheveux qui dansaient au vent. Et je me voyais moi, l’ombre de Jackie. La petite sœur.

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Un soir, on était que tous les deux.

Assis sur la rambarde du vieux pont, les pieds dans le vide. Le soleil se couchait sur la ville, peignant le ciel d’orange et de rose. C'était un de ces soirs où l’air est frais mais pas encore froid, où tout semble possible.

Il était pensif, Clotaire. Pas comme d’habitude. Pas en train de sortir des conneries ou de faire le malin.

— Dis, Tp…
Il parlait pas souvent comme ça, avec cette voix un peu hésitante. Ça m’a foutu le cœur à l’envers.

— Quoi ? ai-je demandé en essayant de paraître détachée.

Il a passé une main dans ses cheveux bruns.
— T'as déjà été amoureux, toi ?

J'ai rigolé nerveusement.
— J’sais pas trop… Peut-être.

(En vrai, c'était lui. Depuis le premier jour. Depuis le premier regard.)

Il a souri tristement, regardant ses baskets balancer doucement au-dessus du vide.

— Moi j'crois bien que je le suis… d'une fille magnifique.
(Il a insisté sur le mot "magnifique" en me jetant un coup d'œil rapide.)

Mon cœur s’est serré. C’était sûr. Il parlait de Jackie.

J'ai serré les poings sur mes genoux, rassemblant tout mon courage pour poser LA question qui me brûlait la gorge.

— En fait… t'aimes Jackie, c’est ça ?

Le silence.

J’ai cru que j’allais tomber du pont tellement je tremblais.

Et puis, il a tourné la tête vers moi. Il avait ce sourire, ce putain de sourire pas moqueur cette fois, mais tendre.

— Non. Elle s’appelle pas Jackie… Son p’tit nom c’est Tp.

Je crois que pendant une seconde, mon cerveau s'est arrêté. Plus de sons, plus de vent, plus rien. Juste mon cœur qui explosait dans ma poitrine.

— Tp… C’est toi que j'aime, abrutie.

Je l'ai regardé, bouche bée, incapable de prononcer un mot.

— Depuis que j’te connais, j'arrête pas de penser à toi, bordel. Même ta soeur, elle l'a remarquée, a-t-il ajouté en riant doucement.

Je sentais mes joues brûler, mais cette fois ce n'était pas de honte. C’était de bonheur.

Clotaire m'aimait. MOI. Pas Jackie. MOI.

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Je me rappelle avoir éclaté de rire, un rire nerveux, puis avoir plaqué ma main contre ma bouche.

Clotaire s’est approché, tout doucement, comme s’il avait peur que je m’enfuie. Il a glissé une main derrière ma nuque, comme dans les films que je regardais en cachette.

Et il m’a embrassée.

Un baiser doux, maladroit, sincère.

À cet instant, le monde entier aurait pu s’écrouler, je m’en fichais. Il n’y avait que lui. Que nous.

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Les semaines suivantes, tout a changé. Mais en même temps, tout était pareil.

On continuait de traîner ensemble, mais maintenant, ses regards étaient remplis de quelque chose de nouveau. D’affection. De désir, peut-être. D'amour, sûrement.

Il m'attendait à la sortie des cours. Il me volait des baisers derrière les murs du lycée. On allait toujours au ciné, mais maintenant nos mains se cherchaient dans l’obscurité.

Même Jackie a fini par capituler, après nous avoir balancé quelques moqueries bien senties.

— J'le savais, a-t-elle dit un jour en nous voyant arriver main dans la main. T'étais foutu d'avance avec ma sœur, Clotaire.

Clotaire avait rigolé, m’avait tirée contre lui, et m'avait soufflé à l’oreille :
— J’me suis jamais senti aussi vivant, Tp.

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Aujourd'hui encore, des années après, quand je repense à cette époque, j'ai le cœur qui se serre.

À ce bus.
À ce regard.
À cette déclaration sur le vieux pont.
À son "Son p’tit nom c’est Tp" que je garderai toute ma vie au creux de mon cœur.

Parce que malgré toutes les merdes qu'on a pu traverser après, malgré les coups durs, malgré la vie, Clotaire et moi, c'était pour toujours.

C'était l’amour ouf.

Mon amour ouf.


✨✨

?IMAGINE? TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant