?IMAGINE? TOME 1

Tp ne s'attendait pas à ça. À la base, c'était juste un stage. Un petit contrat de trois semaines pour aider à la post-prod d'un clip dans un studio lyonnais. Elle s'appelait Tp, étudiante en audiovisuel, passionnée de son, et un peu geek sur les bords. Mais elle ne s'attendait pas à ce que le clip en question soit celui de Joyca.

- Tu vas voir, le gars est super chill, lui avait dit le monteur principal en lui tendant un casque.

Elle connaissait évidemment Joyca, ou plutôt Jordan, de ses vidéos rythmées et de ses délires qui transforment chaque son en aventure. C'était étrange de le voir débarquer au studio, en hoodie, les cheveux un peu en vrac, lunettes de soleil sur le nez alors qu'on était en novembre.

- Hey, je suis Jordan, enchanté ! avait-il lancé en tendant la main à Tp avec un sourire sincère.

Elle avait bafouillé un "Salut", à moitié noyée dans ses pensées. Il n'était pas du tout comme elle l'imaginait. Plus calme. Plus humain.

Les jours passèrent et ils bossèrent ensemble sur le mix final du clip. Tp avait proposé quelques idées, pas forcément révolutionnaires, mais justes. Et Jordan les avait prises au sérieux. Mieux, il l'écoutait.

Un soir, alors que le reste de l'équipe était parti, ils étaient restés à deux pour peaufiner un effet de réverb sur une voix.

- Franchement, t'as une bonne oreille, avait-il dit en se penchant vers l'écran.

- Merci... C'est ce que j'essaie de développer.

- Tu devrais. T'as un vrai instinct.

Tp avait rougi. Elle détourna les yeux, mais son cœur avait loupé un battement. Ce n'était pas seulement de l'admiration. Elle sentait un fil invisible commencer à se tendre entre eux. Une tension douce, silencieuse, mais présente. Quelque chose naissait. Lentement. Hors cadre.

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Le clip était terminé. Diffusé. Et explosait les vues sur YouTube. Mais ce n'est pas ce qui préoccupait Tp.

Ce qui la hantait, c'était l'absence de Jordan depuis la fin du projet. Pas un message. Pas un appel. Et pourtant, il lui avait dit "On reste en contact, hein ?". Elle en doutait maintenant. Il devait être occupé. Des projets, des sponsors, des enregistrements. Elle n'était qu'un point minuscule dans sa galaxie.

Jusqu'à ce fameux jeudi, deux semaines plus tard, où son téléphone vibra. Un DM.

JordanJoyca : "J'ai un truc sur lequel je bosse. J'aurais besoin de ton oreille. Tu veux passer au studio ?"

Elle mit dix minutes à se décider, le cœur serré. Puis elle répondit : "Avec plaisir."

Le studio était calme ce soir-là. Il avait installé une ambiance tamisée, presque intime. Une bougie trônait à côté de son clavier.

- J'essaie de composer un truc plus émotionnel que d'habitude. J'arrive pas à trouver le bon équilibre.

- Laisse-moi écouter.

Il lança la track. Une instru piano-voix, lente, douce, chargée de mélancolie. Elle se tut quelques instants après l'écoute.

- C'est beau... Mais t'as peur d'y mettre trop de toi, non ?

Il la fixa, surpris.

- Comment tu sais ça ?

- Parce que je le sens. On dirait que t'as envie de dire quelque chose... mais tu t'en empêches.

Un silence pesa dans la pièce. Puis il murmura, presque pour lui-même :

- Peut-être que j'ai pas envie que ce soit juste une chanson.

Tp sentit un frisson la parcourir. Elle voulut dire quelque chose, mais il la devança.

- J'ai pensé à toi, ces deux dernières semaines. Beaucoup trop. C'est con, on se connaît à peine, mais t'as ce truc... qui me manque quand t'es pas là.

Son regard plongea dans le sien. Le moment était suspendu. Un souffle. Un battement. Mais ni l'un ni l'autre ne bougea. Pas encore.

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Les jours suivants, Tp revenait souvent au studio. Pas pour un projet. Juste pour... être là. Jordan l'invitait à tout : écoute d'instru, brainstorming de vidéos, même des afterwork avec ses potes. Il l'intégrait à sa bulle.

Mais il ne disait rien de plus.

Pas un mot sur ce qu'il avait laissé échapper. Et ça la rendait folle. Était-ce un moment volé ? Une erreur ? Ou simplement un homme timide, discret, protecteur de son monde ?

Un soir, ils s'étaient retrouvés dans sa cuisine, à manger des sushis. Il lui parlait de ses débuts sur YouTube, du stress de toujours devoir innover, plaire, performer.

- Les gens croient que tout est facile. Mais ça te bouffe, parfois. Même si t'aimes ça.

- Tu veux qu'on arrête d'en parler ? demanda-t-elle doucement.

Il la regarda. Elle était là, simple, présente, sans jugement.

- Non. J'aime bien t'en parler. T'écoutes... sans chercher à comprendre plus que ce que je veux donner.

Elle hocha la tête. Et sourit.

- J'ai juste peur de mal interpréter, tu vois ? Tu m'as dit des trucs, puis plus rien. Et moi je reste là, à essayer de lire entre les lignes.

Il déposa ses baguettes. Le silence s'installa à nouveau. Mais cette fois, c'était un silence lourd. Chargé.

Puis il avança sa main sur la table, effleurant la sienne.

- T'as pas mal interprété.

Elle le fixa, les yeux brillants. Ce n'était pas un "je t'aime" murmuré dans le noir. Mais c'était mieux. C'était vrai.

Il se leva, contourna la table, et s'approcha d'elle. Lentement. Ses mains tremblaient un peu, comme s'il hésitait. Puis il la prit dans ses bras, doucement, son menton posé sur sa tête.

- Je sais pas où ça nous mène. Mais j'ai envie d'essayer.

Et elle, elle n'avait besoin de rien d'autre.

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Trois mois plus tard, rien n'avait été officialisé. Pas de stories, pas de vlogs, pas de tags sur Insta. Mais ça leur allait. Leur histoire était à eux. Intime. Préservée.

Ils se voyaient souvent. Parfois elle restait dormir chez lui, dans le canapé d'abord, puis dans son lit, sans jamais avoir à se justifier. Ils faisaient des pancakes à 2h du matin. Des blind tests sur Spotify. Des silences doux.

Un soir, il lui proposa un défi : "Fais-moi une instru. Sans te poser de questions. Je veux juste entendre comment tu sonnes."

Elle rit, puis s'exécuta. Une ligne de basse, une nappe de synthé, et un soupçon de voix. Et lui... il enregistra par-dessus. Un couplet. Puis un autre. Puis un refrain.

Et ce refrain, il ne l'avait pas prévenu.

"T'es le son que j'attendais sans le savoir
T'as débarqué, t'as calmé mes soirs
J'te vois, j'te sens, j'te veux, j'te crois
Et j'veux pas qu'tu partes, j'veux que tu restes là."

Elle resta figée. Lui, les yeux plongés dans les siens.

- Je voulais que ce soit clair. Pour toi. Pour moi. Pour tout.

Elle s'approcha, sans un mot. L'embrassa. Un vrai baiser. Doux. Lent. Longtemps retenu.

Et cette nuit-là, dans ce petit studio où tant de sons étaient nés, c'est une histoire qui s'écrivait. Une vraie. Humaine. Fragile. Mais solide.

Dans le silence qui suivit, Jordan souffla contre son front :

- Tu veux qu'on soit plus qu'un couplet ?

Elle sourit.

- J'veux qu'on soit l'album entier.

Et il rit, ce rire qu'elle aimait tant. Le genre de rire qui n'a pas besoin de micro pour résonner.

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