Tu ne savais pas trop à quoi t’attendre en acceptant ce contrat. Tu avais vu passer la proposition via une connaissance en com' événementielle : "Créateur de contenu en pleine expansion cherche manager pour structurer ses projets pro (Twitch, événements, marques, etc.). Dispo rapide, univers dynamique, très humain."
Tu avais googlé le nom à la va-vite. Amine. Des millions d’abonnés, une communauté ultra fidèle, une énergie impossible à ignorer dans ses streams. Tu ne le connaissais pas personnellement, mais tu avais entendu parler de la Five Cup, de la ZLAN, et surtout de sa manière très humaine de gérer son image.
Ce matin-là, tu entres dans les locaux. Un petit studio aménagé dans un immeuble parisien, cosy, vivant, avec des affiches, des câbles partout, une odeur de café et de pizza froide. Tu serres ton carnet contre toi. La porte est ouverte.
— "Yo !"
Une voix résonne, un peu plus grave que ce que tu avais imaginé. Il est là, debout devant un setup, les bras croisés, les cheveux attachés en petit chignon flou.
— "Tu dois être la manager ? C’est toi… TP ?"
Tu hoches la tête.
— "Tp, oui. Enfin, mon vrai prénom c’est [ton prénom], mais tout le monde m’appelle comme ça."
— "Cool." Il te tend la main. "Moi c’est Amine, mais bon, t’avais capté."
Le contact est rapide. Franc. Il te détaille un peu, sans te juger, mais tu sens le regard observateur. Il analyse tout, tu le vois dans ses yeux. Tu poses ton carnet sur la table.
— "Tu veux que je t’explique comment je fonctionne ou tu me balances direct un plan d’attaque ?"
Tu hausses un sourcil. Il teste déjà. Tu ne te laisses pas déstabiliser.
— "Je t’écoute d’abord. Ensuite je te dis si c’est optimisable."
Il éclate de rire.
— "Ça me plaît."
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Les premières heures passent vite. Tu découvres un mec ultra passionné, un peu désordonné mais intelligent, réactif, débordant d’idées. Trop, peut-être. Son agenda est un chantier. Tu identifies vite le problème : Amine bosse sans planning fixe, tout au feeling. Résultat : fatigue, stress, burn-out à moitié masqué derrière l’humour.
Le soir tombe, il t'invite à rester pour un stream.
— "J’vais en live, tu veux voir comment ça se passe de l’intérieur ? Ça t’aidera."
Tu acceptes. Tu t’assois sur le canapé derrière lui, casque sur les oreilles, carnet sur les genoux.
Pendant le live, tu découvres une autre facette. Il est drôle, fluide, naturel. Sa communauté l’adore. Les blagues fusent, les dons pleuvent. Tu prends note des points à améliorer, mais tu souris plus que tu ne l’avoueras. Il te jette un œil hors caméra, une ou deux fois, comme pour vérifier si tu t’ennuies.
À la fin, il coupe tout, se tourne vers toi.
— "Alors ?"
— "T’as un vrai talent. Mais t’as pas de structure. T’es un feu de forêt sans pare-feu."
Il éclate de rire.
— "Wow. Elle est violente celle-là."
— "C’est sincère."
Il s’appuie contre la table, te détaille à nouveau.
— "Tu vas être relou, hein ?"
— "Grave."
Il sourit. Tu crois qu’il aime bien ça.
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La première semaine passe. Tu mets de l’ordre dans son emploi du temps. Tu le forces à différencier "temps perso", "streams", "rendez-vous pro". Tu lui imposes des pauses. Au début, il râle, grogne, t’envoie des messages du style "T’as mis un call à 9h, t’es sérieuse là ??" Tu réponds par un simple : "Oui."
Et il y va.
Petit à petit, vous trouvez un rythme. Il commence à t’envoyer des vocaux à 2h du matin pour te parler d’une idée de concept. Tu réponds le lendemain, avec une version claire et organisée de son délire. Il te surnomme "la générale". Tu fais semblant de détester. Mais t’aimes bien.
Un soir, il t’invite à une réunion informelle avec ses potes du Five Club. Kamel, Billy, Neoxid. Ils te regardent d’abord avec méfiance, comme si t’étais là pour fliquer Amine. Mais tu balances une vanne au bon moment, et tu gagnes leur respect. Amine t’observe du coin de l’œil, un peu surpris.
— "T’as du répondant. J’aime bien."
Tu souris.
— "Et toi t’es moins insupportable que je pensais."
Il lève un sourcil, faussement vexé.
— "On dirait que tu veux me draguer là."
Tu ris.
— "Dans tes rêves."
Mais le regard qu’il te lance, à cet instant… Ce n’est pas juste de la blague. Il te regarde vraiment.
Et toi aussi, peut-être, tu commences à le regarder autrement.
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Les semaines passent, et avec elles, la frontière entre le pro et le perso devient de plus en plus floue.
Tu continues d’organiser ses projets comme une chef. Il le reconnaît, d’ailleurs. À chaque débrief, il finit toujours par souffler un "heureusement que t’es là", les yeux un peu trop sincères. Et toi, tu fais comme si t’entendais pas la chaleur dans sa voix. Tu continues, concentrée. Mais c’est de plus en plus dur.
Parce qu’il t’envoie des vocaux qui n’ont plus grand-chose de professionnel. Parce qu’il t’invite à ses streams, mais te parle autant dans l’ombre que dans le micro. Parce qu’il commence à te dire que "t’es drôle, en vrai", ou que "t’as capté comment ça marche ce game, c’est rare."
Et surtout parce qu’il te regarde différemment. Plus longtemps. Plus doucement.
Un soir, il t’invite à venir chez lui pour préparer un gros partenariat avec Adidas. Tu arrives, ton ordi sous le bras, prête à bosser. Sauf que quand il t’ouvre, en jogging, les cheveux encore humides de la douche, il t’adresse un sourire fatigué mais doux.
— "T’as mangé ?"
— "Non, je comptais commander."
— "T’aimes les pâtes à la truffe ?"
Tu le regardes, surprise.
— "Tu cuisines ?"
Il rit.
— "T’as cru que j’étais juste un clown Twitch ? J’ai des skills."
Il t’installe à la table du salon. Il cuisine pendant que tu bosses, et vous parlez entre deux assiettes. Tu découvres un autre Amine : plus calme, plus lent, plus sincère. Il te parle de ses projets d’enfance, de sa mère, de ses galères quand il a commencé.
Tu l’écoutes. Et à un moment, sans le vouloir, ta main frôle la sienne quand tu lui tends ton téléphone.
Il ne recule pas.
— "T’as toujours voulu bosser dans ce milieu ?"
Tu le fixes. Sa voix est plus grave dans le silence de l’appart.
— "J’ai toujours voulu construire avec des gens passionnés. Et toi ?"
Il hoche lentement la tête.
— "Moi… j’ai juste toujours voulu qu’on m’abandonne pas en chemin."
Tu ne sais pas quoi répondre à ça. Alors tu le regardes. Longtemps. Et lui aussi. Jusqu’à ce que tu détournes les yeux, troublée.
Le lendemain, il ne dit rien. Il agit comme si de rien n’était. Comme s’il n’y avait pas eu cette tension étrange entre vous. Tu fais pareil. Mais tout te paraît plus intense maintenant. Son rire. Ses regards. Sa voix dans ton oreille quand il t’appelle en visio.
Puis vient le tournant.
Un soir de Five Club, en live. Amine t’invite en guest surprise dans le stream. C’était pas prévu, mais tu acceptes. Ils te taquinent, surtout Billy : "Amine il arrête pas de parler de toi, wAllah il est pas pro quand t’es là."
Tu rigoles, mais t’es rouge. Lui aussi, un peu.
Puis, sur un jeu de questions, la question tombe :
— "Si tu devais sortir avec quelqu’un ici, tu choisirais qui ?"
Il rigole, essaye d’esquiver, mais la commu spam le chat. Il te jette un regard rapide. Et répond :
— "Moi j’dirais... [ton prénom], mais elle m’enverrait balader direct."
Silence. Tu sens ton cœur rater un battement. Kamel hurle, Billy crie "ooooooh !", le chat explose.
Tu forces un rire, tu fais la meuf qui prend à la légère. Mais au fond… t’es chamboulée. Parce que c’est pas une vanne. Il l’a dit en te regardant vraiment.
Quelques jours passent. Il ne reparle pas de la phrase. Mais il est plus nerveux, plus hésitant. Il t’écrit à minuit pour savoir si tu vas bien. Il t’appelle pour rien. Il te propose de l’accompagner en tournage, même si t’étais pas censée venir.
Et un soir, il te dit :
— "T’as remarqué que c’est plus pareil entre nous, hein ?"
Tu le regardes. C’est la première fois qu’il le dit à voix haute.
— "Oui."
Silence.
— "Tu veux que ça redevienne comme avant ?"
Tu respires un peu plus fort.
— "Non."
Ses yeux se baissent un instant. Puis remontent vers toi.
— "Moi non plus."
Mais il ne bouge pas. Il ne fait rien. Il est bloqué entre le désir et la peur. Entre l’envie d’avancer… et la peur de tout gâcher.
Toi, tu sens que la suite vous appartient. Mais il faudra choisir.
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Depuis ce soir-là, plus rien n’est pareil.
Amine est plus présent. Il t’envoie des messages au réveil, t’appelle pour tout et pour rien, te glisse des regards volés quand vous êtes en réunion. Il n’a encore rien fait de clair, mais tout son corps parle pour lui.
Et toi, tu fais pareil. Tu réponds, tu joues, tu laisses traîner ton regard un peu trop longtemps, ton rire un peu trop doux. Il y a cette tension entre vous, permanente, mais jamais violente. Une tension douce, presque romantique, comme si vous dansiez au bord de quelque chose de plus grand.
Puis un jour, Amine annonce une collab spéciale avec une créatrice de contenu hyper populaire. Jolie, charismatique, drôle. Tu bosses sur le projet, comme d’hab, mais quand elle arrive au studio, quelque chose en toi se serre.
Elle est tactile. Trop. Et lui, il ne la repousse pas.
Tu restes pro. Mais tu sens le feu en toi. Et quand elle rigole un peu trop fort à ses blagues, tu quittes la salle sans prévenir. Tu files dans la cuisine, prétextant un appel.
Mais Amine arrive. Il t’a suivie.
— "T’es bizarre, là. Tout va bien ?"
Tu te retournes, froide.
— "Oui, t’inquiète."
— "Non, dis-moi."
Tu le regardes droit dans les yeux. Quelque chose craque.
— "C’est peut-être moi le problème, mais la voir aussi proche de toi, ça m’a saoulée."
Il cligne des yeux, surpris. Tu continues.
— "Et je sais que j’ai pas le droit d’être jalouse. On n’est rien, toi et moi. C’est pro, non ? Toujours pro."
Il s’avance, doucement. Son regard est brûlant.
— "Arrête de dire ça."
Tu fronces les sourcils.
— "Dire quoi ?"
— "Qu’on est rien. C’est faux. Je le sens, tu le sens. Tu crois que je passe ma vie à penser à mes managers ? À vouloir les voir tous les jours ? À flipper qu’ils trouvent quelqu’un d’autre ?"
Un silence s’installe.
— "Je sais pas ce que t’es pour moi, Tp. Mais c’est pas rien. Et si t’es jalouse, c’est que moi aussi j’ai franchi des lignes."
Il s’approche encore. Son front touche presque le tien. Ta respiration s’accélère.
— "Alors t’as deux options. Tu me repousses… ou tu restes."
Tu ne bouges pas.
Tu restes.
Et il t’embrasse.
C’est pas un baiser de film. C’est doux. Hésitant. Réel. Il tremble un peu. Toi aussi. Mais tout devient évident, d’un coup. Comme si vous étiez restés figés trop longtemps, à force de faire semblant.
Quand vous vous éloignez, il te murmure :
— "J’ai eu peur que tu partes."
— "J’ai eu peur que tu dises rien."
Il sourit. Ce sourire-là, tu le reconnaîtras toujours. Un mélange de soulagement et de certitude.
— "On fait comment maintenant ?"
Tu prends une inspiration, joueuse :
— "On continue comme avant. Mais en mieux."
Il rit.
— "C’est toi la boss, hein."
Depuis ce jour, tout s’aligne. Les rendez-vous ont changé de goût. Le moindre moment devient précieux. Il t’emmène à un tournage à l’étranger, à Barcelone. Ce voyage, c’est un prétexte. Il aurait pu y aller seul. Mais il voulait te voir loin du taf, loin de tout.
Sur le toit de l’hôtel, un soir, vous regardez les lumières de la ville. Il te prend la main.
— "Tu sais que tu m’as retourné la tête, toi."
Tu souris.
— "Et toi tu m’as retourné la vie."
Il t’embrasse encore. Cette fois, c’est plus sûr. Plus profond.
Il n’y a plus de doutes. Vous êtes ensemble. Pas juste un coup de cœur passager. Pas une attirance floue. Vous vous êtes choisis.
Et dans ce monde où tout va vite, où les relations se perdent dans les notifications et les buzz… vous, vous prenez le temps.
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