On la surnommait « l’ombre de la reine ».
Pas parce qu’elle suivait docilement les pas de sa sœur Alicent, mais parce qu’elle représentait tout ce qu’elle n’était pas. Là où Alicent était la vertu incarnée, le respect des codes, la grâce d’une épouse parfaite, Tp, sa sœur jumelle, brûlait d’un feu noir et indomptable.
Ses cheveux, noirs comme la cendre d’un dragon, étaient la première source de murmures à la cour. Née du même ventre que la douce et dorée Alicent, elle semblait pourtant tirée d’un autre monde. Peut-être un caprice des dieux, ou une marque que le sang des Hightower n’était pas si pur. Mais son père, Otto Hightower, n’osait jamais la contredire. Il savait que les flammes, même domestiquées, pouvaient brûler un royaume entier.
Tp n’avait que faire des convenances. Elle montait à cheval sans corset, se baignait dans la fontaine des jardins royaux sans chaperon, et parlait aux hommes sans détour ni minauderie. Cela faisait d’elle un objet de crainte… ou de fascination.
Et depuis ses plus jeunes années, un nom brûlait sur ses lèvres comme un serment silencieux :
Daemon Targaryen.
Le prince rebelle, le fou, le sublime, l’épée et la flamme. Il représentait tout ce qu’elle admirait. Il n’aimait pas l’ordre. Il méprisait la cour. Il était loyal uniquement à ses désirs. Comme elle.
Lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant de treize hivers, elle l’observait déjà dans les cours du Donjon Rouge, son épée à la main, ses cheveux argentés collés à son front après un entraînement. Il riait avec des soldats, provoquait des maîtres d’armes plus âgés que lui, s’ennuyait à mourir dans les banquets. Et jamais, jamais il ne la regardait.
Mais elle, elle le voyait. Chaque geste. Chaque regard. Chaque écart.
Il ne lui adressa un mot pour la première fois que lorsqu’elle eut seize ans. Un simple « Tu ressembles peu à ta sœur ». Elle en avait souri, narquoise, répondant :
— Heureusement pour moi.
Il n’avait rien dit. Mais ce jour-là, il avait vraiment posé les yeux sur elle pour la première fois.
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Le temps avait passé. Les jupons d’enfants avaient laissé place à des robes de soie fine, moulantes, décolletées, fendues sur la cuisse, parfois même tout cela à la fois.
Tp n’était plus une jeune fille. Elle était une femme. Et elle le faisait savoir.
Mais elle ne le faisait pas pour tous les hommes. Elle ne cherchait qu’un seul regard.
Celui du prince Daemon.
À chaque conseil royal, à chaque tournoi, à chaque banquet organisé par Viserys, elle choisissait soigneusement sa tenue.
Du vert profond, pour rappeler le Hightower. Du noir et rouge, pour défier les Targaryen. Mais surtout, du tissu assez fin pour deviner la peau en pleine lumière. Un décolleté savamment taillé. Une taille marquée. Des épaules nues. Elle savait exactement ce qu’elle faisait.
Et cela marchait.
Daemon, le prince indifférent, le guerrier moqueur, celui que rien n’ébranlait… baissait les yeux chaque fois qu’il la croisait.
Pas vers le sol. Non. Vers ses seins, moulés dans la soie tendue. Vers ses hanches, ondulant sous le tissu. Vers cette bouche qu’elle mordillait parfois juste pour le voir se crisper.
Alors elle riait, de cette voix insolente qu’il commençait à reconnaître parmi toutes.
Un soir, alors qu’ils se croisaient dans un couloir vide après un banquet, elle s’arrêta net. Lui aussi. Le silence s’installa, pesant, chargé d’électricité. Il avait cette façon de la regarder sans oser la fixer trop longtemps, comme s’il avait peur que ses pensées lui échappent.
Elle pencha la tête, doucement, un sourire au coin des lèvres.
— J’aimerais savoir... mes yeux sont au niveau de mes seins ? Ou sur mon visage ?
La pique fusa, tranchante et audacieuse. Daemon ouvrit la bouche, la referma aussitôt. Un souffle à peine audible s’échappa de sa gorge, et ses joues devinrent cramoisies.
C’était rare de le voir ainsi. Lui, l’impassible, pris au piège comme un adolescent fautif.
Tp s’éloigna lentement, laissant derrière elle le sillage de son parfum et le goût amer de la frustration. Elle ne se retourna pas, mais elle savait. Elle avait gagné. Encore.
Et ce jeu devint leur habitude. Chaque rencontre, chaque échange de regard, chaque sourire retenu, chaque mot lancé comme une flèche… tout était un prélude.
Un jour, il finirait par craquer.
Et elle serait prête.
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La lune baignait Port-Réal d’une lumière pâle, presque fantomatique. Les couloirs du Donjon Rouge étaient silencieux, à peine troublés par le pas lent d’un garde ou le bruissement d’une torche vacillante. Tout dormait.
Tout, sauf elle.
Tp n’arrivait pas à trouver le sommeil. Son corps brûlait d’une chaleur étrange, électrique, insaisissable. Était-ce l’effet du vin, ou cette robe qu’elle avait vue glisser du regard de Daemon pendant le banquet ? Elle ne savait plus. Mais elle avait soif. Et l’envie de marcher un peu seule, pieds nus sur le marbre glacé, dans le silence de la nuit, la poussa hors de sa chambre.
Elle n’enfila rien d’autre que sa nuisette blanche en lin léger, aux fines bretelles, translucide à la lumière des flammes, épousant chaque courbe de son corps nu dessous.
Elle descendit les escaliers sans crainte, comme une ombre de désir parmi les pierres froides.
La cuisine n’était qu’à quelques pas quand elle tourna à l’angle… et s’arrêta net.
Daemon.
Il était là. Dos à elle au début, vêtu simplement d’une chemise entrouverte, les cheveux en bataille, tenant un pichet de vin. Il se retourna en entendant ses pas, ses yeux s’élargirent… et descendirent, encore une fois.
Cette fois, elle ne dit rien. Pas de sarcasme. Pas de sourire narquois.
Elle le regarda. Lui, il resta figé un instant. Puis il ferma les yeux. Comme s’il luttait contre un démon intérieur.
— Tu ne devrais pas être là… murmura-t-il.
— Et toi, Prince Daemon ? répondit-elle, la voix douce, mais brûlante. Tu crois que je suis perdue dans mes rêves, mais je suis plus éveillée que jamais.
Il s’avança d’un pas. Elle fit de même. La tension entre eux était épaisse, vibrante.
Il déglutit.
— Ce que tu fais… c’est dangereux.
Elle s’approcha jusqu’à ce que leur souffle se mêle.
— Alors fais-moi peur.
Ce fut la dernière provocation.
Sans prévenir, Daemon se jeta sur elle. Ses mains saisirent son visage, sa nuque, son dos. Sa bouche s’écrasa contre la sienne, brutale, affamée, comme si ce baiser avait été refoulé pendant des années. Tp répondit aussitôt, glissant ses bras autour de lui, ses mains dans ses cheveux, attirant son corps contre le sien.
Il l’attrapa par les cuisses, la souleva sans effort, la plaqua contre le mur de pierre froide.
Le contraste entre la morsure du mur et la chaleur de son torse contre sa peau nue la fit haleter. Sa bouche descendit dans son cou, sur sa clavicule, s’arrêtant juste avant le creux de ses seins visibles sous le lin tremblant.
Le souffle de Daemon était erratique. Il se recula soudain, les yeux brillants de fièvre.
— Si je continue… souffla-t-il, je ne m’arrêterai pas.
Elle attrapa sa main.
— Alors ne t’arrête pas.
Il hésita.
Puis il la prit par la main… et l’entraîna jusque dans ses appartements.
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La chambre de Daemon Targaryen était comme lui : imposante, impitoyable, mais aussi envoûtante. Les murs étaient tapissés de velours pourpre et noir, la lumière des chandelles projetait des ombres dansantes sur le sol en marbre, et l’air portait le parfum de cuir et de bois brûlé.
Ils entrèrent sans un mot, ses mains toujours ancrées sur elle, la pressant contre lui comme s’il ne pouvait plus la lâcher. Il la voulait. Il l’avait toujours voulue.
Tp, quant à elle, sentait son cœur battre plus fort à chaque mouvement, chaque souffle, chaque frôlement. Ses mains glissèrent sur le torse de Daemon, effleurant la peau brûlante de son corps nu sous la chemise ouverte, ses doigts se perdant dans les muscles de ses bras puissants.
— Je t’ai attendue longtemps, murmura-t-il dans un souffle, ses lèvres effleurant son oreille. Il la plaqua contre le lit, la regardant dans les yeux avec une intensité qui la fit frémir.
Elle ne répondit pas. Elle n’en avait pas besoin. Ses gestes parlaient pour elle. Elle le désiraient autant qu’il la désirait. Peut-être plus.
Dans un mouvement fluide, elle se débarrassa de la nuisette, la laissant tomber au sol dans un petit bruit de soie. Daemon ne put s’empêcher de l’observer : la courbe de ses hanches, ses seins fermes, ses jambes élancées. Chaque centimètre de sa peau semblait l’inviter à la toucher, à la goûter, à la marquer de ses désirs inavoués.
— Tu es… magnifique, souffla-t-il, sa voix rauque.
Elle sourit, un sourire taquin, comme si elle savait exactement l’effet qu’elle lui faisait. Puis, d’un geste audacieux, elle l’attira vers elle, ses lèvres se heurtant aux siennes avec une urgence brûlante. Ils s’embrassèrent à en perdre haleine, ses mains parcourant son dos, la suivant sur chaque centimètre de peau nue qu’il pouvait atteindre. Il n’avait plus de contrôle.
Daemon la saisit fermement, l’allongeant sur le lit, ses lèvres dévalant son cou, ses mains explorant ses courbes avec une faim palpable. Chaque caresse, chaque frôlement, la rendait plus avide, plus enflammée. Elle répondit à chaque geste, à chaque pression de ses mains contre sa peau. Elle avait attendu ce moment pendant si longtemps.
Il s’arrêta un instant, son regard plongé dans le sien, cherchant quelque chose. Une approbation ? Une permission ?
— Dis-moi que tu veux ça, murmura-t-il, sa voix tremblante.
— Je veux ça, Daemon, répondit-elle, son souffle chaud contre ses lèvres.
C’était tout ce dont il avait besoin. Il la réclama.
Ses lèvres descendirent lentement, explorant sa peau, se perdant dans la douceur de son corps. Ses mains, fortes et précises, parcouraient son ventre, ses cuisses, s’attardant là où elle en avait le plus besoin. Elle frissonna sous ses caresses, une vague de plaisir intense déferlant en elle.
Chaque mouvement, chaque toucher, était une promesse, une réponse à l’appel de l’autre. Il la découvrait comme s’il s’agissait d’une danse lente et enivrante, où chaque geste, chaque souffle, les rapprochait davantage.
Les seconds semblaient des heures. Et dans cette chambre sombre, où seuls les bruits de leur respiration et les crépitements du feu dansaient, ils devinrent l’un pour l’autre. Une fusion, une seule entité de désir et de passion.
Et quand enfin Daemon se jeta sur elle avec une telle force qu’il en fit craquer le bois du lit, il n’y eut aucune hésitation. Ils étaient les flammes du dragon.
Les minutes passèrent dans un tourbillon de sensations brutes, inoubliables. Le monde extérieur n’existait plus.
Quand la passion s’éteignit, laissant place à un silence lourd et rempli de satisfaction, Tp sentit le souffle de Daemon contre sa peau, son corps contre le sien. Il la tint fermement dans ses bras, comme pour ne jamais la laisser partir.
— Je n’ai jamais voulu quelque chose autant que toi, dit-il doucement, sa voix grave, éraillée par la chaleur de ce qu’il venait de vivre.
Elle sourit, une lueur de satisfaction dans les yeux.
— C’est ce que je voulais entendre.
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Le lendemain, Port-Réal s'éveilla lentement sous un ciel de feu. Mais dans les couloirs silencieux du Donjon Rouge, les rumeurs naissaient déjà. Certains avaient entendu des bruits dans la chambre du prince Daemon. Des soupirs, des échos de plaisir, des gémissements étouffés. Mais nul ne savait avec qui. Le mystère était entier, et les domestiques parlaient à voix basse, le regard brillant de curiosité.
Tp se réveilla seule. Le lit était froid de là où Daemon s'était endormi contre elle, mais elle ne s’inquiéta pas. Elle savait qu'il ne pouvait pas rester. Leur nuit avait été un vol, une transgression de toutes les attentes, mais étrangement, elle ne ressentait aucune honte. Juste une chaleur persistante au creux de son ventre et un sourire qu'elle ne pouvait pas réprimer.
Elle se glissa dans une robe de soie foncée, sobre, mais qui épousait ses formes. En marchant dans les couloirs, elle croisait des regards intrigués. Peut-être qu’on soupçonnait. Peut-être pas. Elle s'en moquait.
Mais lorsqu'elle vit Daemon dans la cour d'entraînement, épée en main, en train de s’entraîner violemment contre un garde, quelque chose changea. Il était tendu, nerveux. Il la vit, bien sûr. Et ses yeux s'attardèrent une seconde de trop. Mais il ne vint pas à elle. Il ne fit même pas un pas.
Elle comprit. Il regrettait peut-être. Ou avait peur. Peur de ce que cela signifiait.
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C'est Alicent qui vint à elle.
Elle entra dans ses appartements sans frapper, l'air plus sévère qu'à l'accoutumée. « Que s'est-il passé cette nuit, soeur ? »
Tp, assise sur le rebord de la fenêtre, leva les yeux calmement. « Tu devrais poser cette question à Daemon.»
Alicent devint livide. « Tu es devenue folle ? Il est dangereux. Il n’est pas fait pour toi.»
« Justement. Il est enfin fait pour quelqu'un.»
Sa soeur se tut, bouleversée par la conviction tranquille de Tp.
« Et que vas-tu faire ? »
« Vivre, Alicent. Pas survivre. Pas plaire à père. Pas me fondre dans leurs convenances. J’ai attendu trop longtemps.»
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Daemon évitait Tp. Il fuyait leurs regards, restait en retrait lors des banquets, trouvait mille excuses pour ne pas être seul avec elle. Mais chaque fois qu’ils se croisaient, le feu était là. Dans leurs regards. Dans leurs gestes. Dans leurs silences.
Et une nuit, alors que la lune était haute, elle décida de lui faire face.
Elle entra dans sa chambre sans frapper. Il était là, torse nu, étonné de la voir.
« Tu regrettes ? » demanda-t-elle, droite, fière.
Il la regarda longuement, puis soupira.
« Non. Et c’est ça le problème. »
« Alors pourquoi m’ignorer ? »
Il s’approcha, lentement. « Parce que si je t’aime, ils te briseront. Ils me briseront. Tu es une Hightower. Je suis leur dragon noir.»
Elle leva la tête. « Alors brûlons-les.»
Daemon la saisit et l'embrassa encore. Mais cette fois, ce n'était plus une pulsion. C'était une promesse.
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Les semaines passèrent. Leur liaison devint un secret connu de tous mais jamais confirmé. Le roi Viserys lui-même semblait fermer les yeux, tant que Daemon restait à sa place.
Mais ils ne se cachaient plus vraiment. Ils marchaient parfois ensemble dans les jardins. Elle déposait des regards lents sur lui au conseil. Il la fixait comme un homme possédé.
Puis un jour, Daemon fit une demande publique.
« Je veux épouser Tp Hightower. Ma princesse rebelle. Celle qui fait battre mon coeur de dragon.»
Le silence fut total. Puis les protestations vinrent. De la reine, d’Otto, du conseil. Mais Daemon les ignora. Et Tp, elle, se leva, digne et libre.
« Je suis d’accord. Devant vous tous.»
Et ce jour-là, Port-Réal comprit que les flammes ne s’éteindraient plus.
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Ils se marièrent en secret dans le Bois Sacré. Seuls quelques témoins. Quelques dragons.
Tp portait une robe noire ornée de fils d’argent. Daemon était en armure, mais sans son casque. Il voulait qu’elle voie son visage lorsqu’il prononcerait ses voeux.
Ils s’embrassèrent sous le barral, et les Anciens Dieux eux-mêmes semblaient retenir leur souffle.
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La guerre approchait. Les tensions entre les Noirs et les Verts grandissaient. Mais Daemon n'était plus seul. Tp était à ses côtés. Brillante, crainte, adorée.
Certains disaient qu'elle l’avait ensorcelé. Qu’elle avait lié le dragon à elle. Mais ceux qui les avaient vus ensemble savaient que c’était plus simple. Il l’aimait. Et elle, elle l’avait choisi depuis toujours.
Un soir, sur le balcon de Peyredragon, elle regarda le ciel rougeoyé avec lui. Il l’entoura de ses bras.
« S’ils veulent nous brûler, qu’ils essaient,» dit-elle doucement.
Daemon sourit. « Je suis un dragon, ma femme. Je ne brûle pas. Je consume.»
Elle l’embrassa. Et cette fois, ce ne fut pas une nuit volée. C’était leur royaume, leur flamme.
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