抖阴社区

Chapitre 2

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De mémoire, je n'avais jamais ressenti une telle angoisse. Mes larmes s'étaient mises à glisser à torrent sur mes joues pâles. Je remontai dans la SkyDriver d'Alaya, avec un seul ordre en guise d'explication.

— Emmène-moi à l'hôpital.

Elle s'exécuta sans cérémonie. Ses talents de pilotes se firent précieux à cet instant décisif. Nous arrivions à destination en quelques minutes seulement, même si nous avions dû traverser les cinquante bornes de la ville.

Je ne lui laissai pas le temps de redescendre son véhicule. J'avais déjà bondi depuis les quelques mètres qui me séparaient du sol. Le temps qu'elle s'éclipse de l'habitacle, je m'étais déjà introduit dans l'immense building où m'attendaient mes pères. Je fus accueilli par une étreinte de celui qui m'avait appelé. Il avait les yeux rouges et gonflés. Ça n'annonçait rien de bon.

— Qu'est-ce qu'il a ? Il est où ? m'inquiétai-je.

— Je ne sais pas... ils lui font des examens, pour le moment.

Ses larmes reprirent de plus belle, je ne pus retenir les miennes non plus. Alaya arriva au même moment, toujours dans l'incompréhension. Remarquant notre état, elle comprit que cela concernait mon second père.

— Comment va-t-il ? demanda-t-elle à mon père, calmement.

Il la gratifia d'un sourire triste en guise de réponse, accablé par l'appréhension des résultats.

Mon père, Raziel, était un habitué des hôpitaux depuis ses dix-neuf ans. À sa vingt-et-unième année, il avait subi une ablation de son poumon droit, qui avait été, entre autres, un élément déclencheur dans sa nouvelle vie. Depuis, il mettait un point d'honneur à prendre grand soin de sa santé. Ce soudain passage par cet établissement ne présageait donc rien de bon.

Le médecin, Monsieur Blayze, arriva, rompant le silence de plomb qui s'était installé entre nous.

— Monsieur Smith, votre mari vous attend. Suivez-moi, annonça-t-il.

Je jetai une œillade d'excuse à Alaya qui me fit comprendre d'un regard qu'elle m'attendrait ici. Je suivis donc mon père et le médecin, m'impatientant d'en savoir plus sur l'état de santé de mon papa pirate.

Nous nous engouffrions dans une pièce sombre, légèrement éclairée par de fin néons bleus ainsi que les lumières des bâtiments extérieurs, passant au travers de l'immense cloison vitrée. De longs câbles entremêlés longeaient les murs et le plafond de cette pièce exiguë. Mon père était là, le teint blafard et les yeux vidés de toutes émotions. Je m'attendais au pire. Et c'était bien ce qui allait arriver.

— J'ai la Red Plague, asséna-t-il, tristement.

Docteur Blayze s'occupait des examens réguliers sur le poumon restant de mon père. Il était un excellent médecin, il ne se trompait jamais. Le pronostic ne pouvait être que véridique. Il ne pouvait avoir commis la moindre erreur.

Je m'effondrai, en larmes. Mes deux pères me suivirent en chœur. Cette maladie était le fléau de notre époque. Personne ne savait à quoi elle était dû. Aucun traitement ne fonctionnait contre elle. Mais, le pire de tout était que personne n'en guérissait. Je devais me faire à l'évidence de ce cauchemars dramatique : cette maladie allait emporter un deuxième membre de ma famille. Après ma grand-mère, trois ans auparavant, c'était lui qu'elle touchait.

Mon père allait mourir.

Incapable d'accepter cette réalité, je pris la fuite en dehors de ce lugubre building. Je me faufilai entre chaque passant, bousculant certains sur mon passage furtif. Les insultes et regards noirs pouvaient jaillir, je m'en moquais éperdument.

Je courus un long moment au travers des ruelles délabrées, ou peut-être n'avais-ce duré que quelques secondes. Le temps était altéré. Le monde ne tournait plus. Le sol se creusait sous mes pieds. Le ciel me tombait sur la tête.

Je m'effondrai contre le mur sombre d'un bâtiment poisseux, dissimulé dans le fond d'une ruelle nauséabonde, maculée de sang séché. Les yeux clos, un cri désespéré sortit du tréfond de mon cœur. Puis un silence pesant s'ensuivit.

En rouvrant les paupières, le ciel n'avait pas bougé, le sol n'était pas creusé, et le monde ne semblait pas s'être arrêté. N'était-ce qu'une hallucination ? Cette douleur dans mon cœur, elle, n'avait pas disparue. Elle paraissait même s'intensifier à chaque instant. Était-ce réellement possible ?

Qu'allais-je faire sans lui ? Sans ce père qui m'avait sorti d'un cauchemars avant qu'il ne m'atteigne indéfiniment ? Sans l'une des personnes qui s'était battu contre vents et marée pour mon simple bonheur ?

J'allais dépérir, emmenant mon second père dans ma détresse. Raziel était le pilier de notre petite famille. Nous l'enlever serait nous laisser plonger dans un tourbillon de faiblesse dévastatrice. Seulement, je ne savais pas nager.

Mes sanglots furent interrompus par cette abominable sonnerie. C'était un appel d'Alaya. Sous le choc de la nouvelle, j'en avais oublié sa présence à l'hôpital, passant devant elle sans le moindre scrupule.

— Ethy, tes parents m'ont appris la nouvelle, je suis vraiment désolée... hésita-t-elle.

— Je... tu n'y es pour rien, Ly'... On ne peut rien y faire, balançai-je.

Elle laissa un blanc s'installer quelques secondes, avant de reprendre.

— T'es où ? Daemon s'inquiète pour toi. Raziel a insisté pour qu'il te laisse tranquille, mais il fait que de me poser la questi...

— Dis leur que je les rejoins à la maison bientôt. J'ai besoin de prendre un peu l'air, pour le moment, la coupai-je.

— Je leur passe le message. Si tu as besoin que je vienne te chercher, envois-moi ton traceur et je rapplique dans la seconde, ok ?

— Merci, Ly', soupirai-je, dévasté.

— C'est normal, Ethy'. Fais attention à toi, d'accord ?

— Promis, conclus-je avant de raccrocher.

Un long soupir accompagna mes larmes silencieuses. Je pris le peu de force qu'il me restait pour me relever et continuer ma route.

Je flânais aux abords des voies rouillées des tramways. Je me laissai guider par les multiples écrans publicitaires ornant les façades des gratte-ciels des différentes Corporations. En levant les yeux, je me sentis englouti au milieu de ces rues étroites et ces buildings immenses. Je n'avais jamais ressenti cela, avant ce jour. Et pourtant, ces balades nocturnes, seul ou aux côtés d'Alaya, étaient devenus ma routine quotidienne.

Cette animation urbaine constante me gardait habituellement éveillé sans jamais fatiguer et j'appréciais le défilement de couleurs lors de mes vadrouilles.

Cependant, cette soirée-là fut incontestablement différente. Les néons lumineux semblaient se ternir, l'agitation habituelle parut plus silencieuse, l'univers avait l'air d'oublier ma présence.

Puis des regards accusateurs se braquèrent en ma direction. Dans l'incompréhension, je tournai mon visage sur le reflet du tramway qui passait là.

Mes yeux étaient d'un rouge vif. On venait d'activer mon traceur. J'étais recherché.

Je ne comprenais rien. Je n'avais rien fait. Les forces de l'ordre n'avaient aucune raison de vouloir m'arrêter.

Même si je n'avais nuls actes à me reprocher, l'angoisse prit le dessus. Ce n'était vraiment pas le moment.

Et ce fut à cet instant précis qu'il entra dans ma vie, ébranlant mon éternelle naïveté sur son passage.

R.A.I.AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant