R.A.I.A

Je n'avais que rarement aperçu ces yeux rouges chez quelqu'un, preuve que nos implants étaient efficace dans la lutte contre le crime. Les forces de l'ordre étaient performantes, sur ce point : à peine activaient-ils les traceurs, que les yeux des criminels devenaient rouges, et ils étaient arrêté en moins de deux minutes. Mais voilà que je faisais désormais parti de ces délinquants.

Je n'eus pas le temps de me remémorer mon entière existence, afin de comprendre comment j'en étais arrivé là. Une silhouette élancée se posta face à moi, déposant une main délicate sur ma frêle épaule.

Un homme à peine plus âgé que moi, dans le début de la trentaine tout au plus, aux longs cheveux bleus lisses, me souriait avec douceur.

— Tu dois être Ethan, je me trompe ? Je te trouve enfin ! C'est que t'es un grand marcheur, bro !

Je tournai de nouveau la tête vers une façade vitrée, cette fois. Mes yeux avaient repris leur bleu initial. Que se passait-il ?

— C'est bien moi. Vous êtes qui ? lui demandai-je, confus.

Il enleva sa main de mon épaule pour me la tendre. Je la saisis à l'instant où il répondit à ma question.

— Gabriel, enchanté ! Suis-moi, j'ai quelqu'un à te présenter, s'enjoua-t-il.

— Je dois rentrer chez moi, je devrais déjà être avec mes parents depuis un moment déj...

— Oh, mes excuses, me coupa-t-il, coupable. Donne-moi ton contact alors, qu'on se donne rendez-vous demain.

Je lui transmis sans rechigner, l'esprit brouillé par les évènements surréalistes de cette soirée.

— Vous me voulez quoi, au juste ? réalisai-je enfin.

— Je te dirai tout en temps voulu. À demain, bro, et... Encore désolé de t'avoir retardé !

Puis il s'éloigna au volant de sa SkyDriver grise aux néons bleus, me laissant dans une incompréhension immense.

Secoué tel un réveil après un cauchemars, j'envoyai mon traceur à Alaya, afin qu'elle me ramène enfin chez moi.

Elle arriva en moins de cinq minutes, me confirmant que j'avais probablement couru un long moment. Je m'engouffrai dans l'habitacle sans un mot, scruté par le regard intense de ma meilleure amie. Je compris qu'elle ne partirait pas tant que je ne parlerais pas.

— Je vais bien, Ly.

Elle me donna une violente tape sur l'épaule.

— Non, ça ne va pas. Ça ne te ressemble pas ce comportement, Ethy.

Sa voix était glaciale. Je soupirai bruyamment, m'accoudant à la fenêtre de sa SkyDriver.

— La preuve ! D'habitude c'est toi qui parle et moi qui écoute. Parle-moi, insista-t-elle.

De nouvelles larmes coulèrent sur mes joues, je n'arrivais définitivement pas à accepter la nouvelle.

— Je n'ai pas envie de le perdre, c'est tout. Je ne veux pas imaginer ma vie sans lui. Je commence tout juste à me remettre de la perte de ma grand-mère... Combien de temps ça prendra pour celle de mon père ?

Elle posa une main rassurante sur mon genoux, apportant une touche de douceur à ma tristesse.

— Je te comprend totalement, Ethy... Perdre un père est une étape difficile, mais on y passe forcément un jour, s'adoucit-elle.

—Mais le tien est mort quand tu étais bébé, Ly' ! Ne compare pas ta peine et la mienne, s'il te plaît !

Elle se crispa sur mon haussement de ton inhabituel, instaurant un silence glacial dans ce véhicule volant. Mes paroles avaient dépassées mes pensées. Elle avait raison, ça ne me ressemblait pas.