R.A.I.A

Kyle avait passé la nuit à me parler de ses parents, de tous les souvenirs qu'il avait avec eux, les bons comme les mauvais. En partant de son enfance, jusqu'à leur perte. Nous avons échangés des larmes et des rires ensemble, le soulageant du poids qu'il portait sur ses frêles épaules depuis tant d'années.

Il avait toujours été distant, secret, mystérieux. Je voyais que ces confidences lui faisaient un bien phénoménal. J'étais le premier à qui il parlait de tout ça, et j'en étais heureux.

M'étant éloigné d'Alaya, ma meilleure amie, ma confidente, j'avais besoin de rendre à quelqu'un ce qu'elle m'avait donnée, et c'était le cas avec Kyle, mon cousin. J'avais le sentiment que cette nouvelle proximité l'avait changé, que son regard et son visage s'était adouci. J'appréciais la personne qu'il était, derrière le masque qu'il portait constamment.

Le lendemain, j'étais épuisé, manquant terriblement de sommeil. Je sortis finalement de la chambre pour aller travailler. Shay était devant la bibliothèque, essoufflée.

— Ethan, je te cherchais ! Écoute... Je crois qu'on devrait parler.

— Excuse-moi, mais je n'ai pas le temps. On parlera ce soir, ok ?

Je la contournai et m'apprêtai à passer la porte, mais elle sortit ces quelques mots qui me figèrent.

— Mon père est médecin.

Un long silence s'installa. Le temps et l'espace semblaient s'arrêter sur ses paroles.

— J'aurais dû te le dire plus tôt, je suis désolée, soupira-t-elle.

Elle attendait visiblement une réponse de ma part, mais je n'arrivais pas à trouver les mots à cette révélation.

— Je vais demander à Kyle de lui envoyer le dossier de Raziel. Il est au courant pour ton père, il m'a promis de faire de son mieux pour l'aider.

Je ne pus retenir mes larmes. Un infime espoir apparaissait. Vu l'état de mon père la veille, je ne m'attendais à rien de concluant, mais je voulais essayer.

— Je sais qu'il est peut-être trop tard, mais je veux me faire pardonner pour mon comportement envers toi, Ethan. Je ne sais pas si ça te suffira, mais c'est tout ce que je peux faire.

Je me rapprochai doucement d'elle et la pris doucement dans mes bras. Je sentis quelques sanglots de sa part, formant une boule dans mon estomac.

— Merci, Shay. Tu n'étais pas obligée de le faire. Merci beaucoup, pour lui.

Je la lâchai et partis avant d'être en retard. Ses mots restèrent gravés dans mon esprit toute la journée. J'avais agi par automatisme tout au long de mes heures de travail, incapable de rester concentré sur mes tâches.

Il était vrai qu'avoir cette information plus tôt aurait pu m'être utile. Mais elle ne m'avait jamais fait confiance, alors elle avait toutes les raisons de ne pas vouloir mettre son père en danger pour moi. Je ne lui en voulais aucunement. Du moins, à ce moment-là.

L'inquiétude de recevoir un appel de mon père m'avait également suivie tout au long de cette interminable journée. J'avais prévenue Marta de l'état de santé de mon père. Compatissante, elle me laisserait quelques jours de repos lorsque le moment allait arriver. J'avais aussi son aval pour partir n'importe quand, si besoin.

Par chance, je n'avais reçu aucun appel. Je n'avais aucune nouvelle de mon père, renforçant ma peur constante.

Ces émotions étaient étranges et contradictoires. J'attendais cet appel, mais je ne voulais pas le recevoir. Je voulais que ma peur, mon angoisse et ma tristesse s'arrêtent, mais je ne voulais pas le perdre. Je voulais être avec mon père, mais je ne voulais pas le voir dans cet état.