R.A.I.A

Ethan

L'appartement nous semblait tristement vide, sans mon défunt père. C'était la première fois que j'y étais depuis son absence.

— On devrait trier ses affaires... soupira mon père, en entrant dans le salon.

J'aperçu une fine larme couler sur sa joue.

Je ne souhaitais pas voir des parties de lui disparaitre. Tout garder revenait à nous donner l'impression qu'il était encore à nos côtés, mais je savais que mon père avait besoin de s'en séparer pour accepter la perte de son mari.

— Je pourrai les emmener à RAIA ? hésitai-je.

— Fais-en ce que tu veux, tant que je ne les vois plus ici...

La gorge serrée, je l'accompagnai récupérer des boites de rangement puis nous commencions à faire le tri dans les affaires.

Pendant que mon père regardait à peine ce qu'il jetait, les larmes aux yeux, je m'attardais sur le moindre petit objet balancé.

Durant plus d'une heure, le silence entre nous était assourdissant. Le rangement n'avait pas duré bien longtemps, mais ça m'avait semblé durer une éternité. Nous restions assis un long moment dans leur chambre lugubre.

Incapable de tenir plus longtemps dans notre chagrin partagé, je m'enfuis de l'appartement pour aller à RAIA. J'avais une promesse à honorer.

J'arrivais calmement, ayant profité du trajet pour me préparer à ce que j'allais devoir revivre pour la deuxième fois de la journée.

Dans le bâtiment, qui était désormais ma deuxième maison, tout le monde était présent. J'étais rassuré : Kyle n'était pas resté seul dans ce moment difficile.

— Ethan, tu n'es pas avec ton père ? s'étonna Shay.

— Non, j'avais des choses à faire ici, lui balançai-je froidement.

Je ne savais pas ce qu'il me prenait à lui parler comme ça, mais c'était plus fort que moi. Un lourd sentiment de haine commençait à s'emparer de moi sans que j'en trouve la cause.

Pour une raison qui m'échappait, elle sembla touchée par mon ton glacial. Cependant, elle ne renchérit pas, allant à l'encontre de sa nature.

Tous semblèrent vouloir me poser des milliers de questions, mais je les interrompis avant qu'ils en aient le temps.

— Kyle, on peut aller dans ta chambre ? Je voudrais te montrer quelque chose.

Il acquiesça dans un soupir en se levant de sa chaise. Je le suivis sous les regards étonnés de nos amis. Personne n'osait parler.

Une fois la porte fermée derrière nous, les délicates mélodies de Neziah retentirent. Elle qui avait l'habitude jouer des musiques rock ou punk, elle opta cette fois pour une douce instrumentale emplie de mélancolie.

Tout en me laissant emporter par ses talents de musicienne, je m'assis sur le fauteuil, à côté de l'ordinateur de mon cousin.

— Je voudrais te montrer la cérémonie, si tu es prêt, et si tu en a envie, bien sûr.

Si la pièce avait été plus grande, il aurait couru pour atteindre son bureau. Sans un mot, il brancha mon Neuro-implant à un câble. Je sélectionnai la vidéo et nous l'observions en silence, tous deux les yeux remplis de larmes qui ne demandaient qu'à être libérées.

Je revis les souvenirs de mon père qui avaient été projetés.

Ce n'était que des souvenirs joyeux, et j'étais dans chacun d'eux.

Comme la première fois, de bruyants sanglots prirent le dessus sur mon impassibilité. Le vide qu'il avait laissé dans mon âme se faisait ressentir davantage, et j'eu l'impression qu'il en était de même pour Kyle.

Après de longues minutes, ce fut le moment des discours. Mon estomac se serrait. C'était l'instant que je redoutais le plus.

— Chéri, j'ai toujours eu peur de te perdre, de devoir vivre ce jour terrible que nous vivons tous. Jamais je n'aurais pu imaginer que tu nous quitte aussi vite. Sans toi, je ne serais plus de ce monde depuis bien longtemps. Tu m'as donné la force et le courage dont j'avais besoin. Pourtant, je suis incapable d'imaginer ma vie sans toi. Comment survivre quand notre oxygène ne passe plus dans nos poumons ? Tu étais mon étoile, et voilà que tu les rejoins déjà. Tu vas me manquer. Tu me manques déjà terriblement. De là où tu es, prends soin de ta famille comme tu l'as toujours si bien fait. Je t'aime au-delà de l'univers.

Mon père s'effondra en larmes. Mon cœur implosa une seconde fois. Puis, c'était à mon tour de parler. J'espérais avoir réussi à faire passer le message de Kyle comme il l'avait imaginé. C'était le moment que je redoutais le plus.

— Papa pirate, aucun mot ne serait suffisamment fort pour te dire ce que je ressens depuis ton départ. Tu as toujours été un exemple dans ma vie. Je t'admire pour ta gentillesse, ta générosité, ta force et ton courage. Je t'admire pour tous tes sacrifices afin de protéger chaque membre de notre famille. Tu as su nous donner tout ce dont on avait besoin. Tu as su nous aimer bien plus que personne n'en serait capable. Tu nous a inculqué les valeurs les plus importantes, pour un être humain. Tu as toujours tenu tes promesses, quoi qu'il t'en coutait. Tu as mis ta rancœur de côté pour le bien d'un enfant à qui tu ne devais rien. Ces courtes années m'ont apportés tellement de bons souvenirs que je n'oublierai jamais. J'aurais aimé passer plus de temps avec toi. Mais... je crois que même l'éternité ne serait pas suffisante. Papa, tu es aux côtés du reste de ta famille qui, nous le savons parfaitement, te manquait atrocement. Je te promet qu'un jour, on se retrouvera, tous ensemble, comme avant. Je t'aime, papa pirate.

Mon cousin pleurait silencieusement devant son écran, ne prenant pas le temps de cligner des yeux pour ne rien rater de la scène.

— Merci, Ethan... Tu n'étais pas obligé de le faire...

— Je crois qu'on ressent la même chose, toi et moi. Il nous a sauvé tous les deux, on lui doit la vie...

Il me débrancha calmement, profitant de cette action pour me prendre dans ses bras.

— Ça reste ton père, tu es plus important que je ne pouvais l'être...

— Il n'était pas du genre à faire des préférences, tu sais ? Quand il aimait quelqu'un, il ne le faisait pas qu'à moitié. Et il t'aimait, Kyle... Mon père te l'a répété ce matin.

Il resserra davantage son étreinte, que je lui rendis. Nous sanglotions silencieusement, nous laissant aller à un dernier instant de faiblesse avant de reprendre le cours de nos vies, qui allait radicalement changer.

Après de longues minutes, nous rejoignions nos amis. Notre monde s'était, certes, arrêté, mais la Terre continuait de tourner. Ce n'était pas le moment de baisser les bras.

Bien au contraire. Nous ne le savions pas encore, mais cet évènement allait déclencher une haine générale, à RAIA. Nous n'allions être guidés que par elle. La raison allait nous quitter. Une force et un courage que nous pensions impossible nous submergerait. Nos véritables combats allaient commencer, pour de bon.

Les intelligences artificielles avaient d'innombrables capacités, mais que pouvait-elle faire contre la révolte de ses créateurs ?