R.A.I.A

Chapitre 6

Elle avait exprimé ses avertissements sur un ton chaleureux. Pourtant, je ressentis un frisson glacial parcourir ma colonne vertébrale. Une chose était claire : elle ne rigolait pas.

— Il n'en sera rien, Neziah. Je te le promet.

— J'en ai profondément rien à faire des promesses, petit. C'est des actes que je veux voir. Sinon, tu sais ce qui t'attend. Je ne me répèterai pas, alors retiens-le bien.

Je déglutis sèchement. Son aura ne changea pas pour autant, sous ses menaces. Voilà une bonne raison d'être davantage prudent. Je ne devais commettre aucune erreur. Elle me terrifiait bien plus que Kyle avait pu le faire à notre rencontre.

Je continuai de la guider jusqu'à mon lieu de travail et la salua d'un geste de la main en descendant. Elle me répondit par un fin sourire délicat, comme si notre conversation précédente n'avait jamais existée.

Les jours s'enchainèrent, je passais les quelques nuits à RAIA, m'éclipsant de chez moi pendant que mes parents dormaient paisiblement, puis je revenais à l'aube, prêt à vivre ma double vie. Je remettais mon masque de jeune adulte naïf et inconscient, puis la vie reprenait ses incessantes banalités.

Cinq jours après mon adhésion à RAIA, je m'étais davantage éloigné d'Alaya. Prenant pour excuses le travail, je refusais toutes nos sorties, jusqu'à totalement ignorer ses appels et messages. Mais de bonnes nouvelles arrivèrent finalement, rompant cette monotonie routinière : le malware sur lequel travaillait Kyle depuis quelques jours était enfin prêt. Ma première véritable mission pour le groupe allait débuter. Et j'étais bien plus que prêt. J'attendais ce moment depuis bien trop longtemps, à mon goût.

J'étais sur place, quand les dernières corrections de bugs se terminèrent. Épuisé et victorieux, le petit génie me donna une dizaine d'implants matériels à installer dans les disques durs des serveurs.

— Prends le temps nécessaire pour les poser. Ces implants coûtent une petite fortune et sont très difficiles à se procurer. Tu dois viser les entreprises qui te semblent avoir les informations qu'on veut, ok ? m'expliqua-Kyle.

— Comment je peux savoir ça ? Je dois viser les plus grosses entreprises ?

— Honnêtement, je ne sais pas. Si tu n'es pas sûr, j'essayerai de trouver une solution pour que tu puisses en installer un à CopsCorp, où travaille Gab. Mais ce ne sera qu'en dernier recours, les Corpos sont presque autant surveillées que MegaCorp.

J'acquiesçai, angoissé. Rentrer dans une Corpo pour pirater leurs serveurs était la dernière de mes volontés.

— Je me débrouillerai. Gardes-en une au cas où ce serait vraiment nécessaire, je m'occupe déjà d'installer celles-ci.

Il récupéra l'implant que je lui tendis et me laissa filer avec les neuf autres. Mon cœur battait la chamade. Je n'avais jamais rien fait d'aussi dangereux. Je n'avais même jamais fais quoi que ce soit qui se rapprochait de l'illégalité. Mes principes, que j'avais construit pendant vingt-cinq longues années, partaient petit à petit en fumée. C'était pour le mieux, je le savais, désormais. Cela n'empêchait tout de même pas ma peur de faire surface. Ressentaient-ils tous ça, à RAIA ?

Je préférais en oublier la question. S'ils étaient capable de flancher, avec leurs forces de caractères, alors j'allais plonger bien avant eux. Ce n'était pas une option envisageable, alors je me devais d'ignorer ces inquiétudes grandissantes. Je ne pouvais pas me permettre de douter de moi, en cet instant. J'avais fais des promesses, je me devais de les tenir. Voilà une des valeurs que je devais garder, coûte que coûte.

J'installais le tout premier implant à SkyDriver Tech. Étant une des entreprises les plus affluente, depuis l'arrêt complet des voitures, j'étais convaincu que nous y trouverions les informations nécessaire. Mais rien. Tant pis, j'avais encore huit chances de réussir, me laissant un champ large de possibilités.

Le lendemain de cet échec, j'eus une intervention à Technospace, une entreprise pour composants informatique. Un second échec.

Je ne désespérais pas. Je n'avais que rarement l'occasion d'avoir des contrats avec de grosses entreprises. Ils privilégiaient de plus grosses firmes plutôt que de petits indépendants. Mais, comme me l'avait précisé Kyle, je devais prendre mon temps. Alors, je suivais son conseil.

Au cours des deux semaines qui suivirent, j'enchaînais les interventions, et les tentatives.

Un troisième échec.

Puis un quatrième.

Arriva le cinquième, jusqu'à la neuvième et dernière.

Je ne voulais pas envisager l'option d'entrer à la CopsCorp. C'était un gros risque pour une première avancée. Alors, je réfléchissais, ralentissant les démarches de RAIA. J'envisageai toutes autres possibilités de réussir notre coup. Toutes, sauf pirater les forces de l'ordre.

Que ce soit dans la filmographie, l'industrie musicale, l'eau, l'université, le tabac, ou même l'électricité, rien n'était divulgué. J'en venais à douter de l'efficacité de ce malware. Pourtant, Kyle était sûr de lui.

Puis, une dernière opportunité s'offrit à moi. Une intuition m'envahit soudainement à l'appel de Cyberfood, le restaurant le plus luxueux de la ville.

— Kyle, tu dois me passer le dernier implant. Je suis sûr de mon coup, cette fois.

Ce dernier hésita fortement. Je pouvais totalement comprendre, mais je n'avais aucun doute.

— Je te jure, Ethan, si ça foire encore, tu vas le payer de ta poche...

— S'il te plaît, fais-moi confiance.

Non sans mal, il se résigna à me le donner.

Le lendemain, à l'heure convenue, je me présentai à ce fameux restaurant. Je passais régulièrement devant, ne pensant jamais avoir l'occasion d'entrer dans un endroit, d'extérieur, si sublime. Et pourtant, m'y voici. L'intérieur n'avait rien à envier à la façade. J'étais littéralement dans un palais futuriste.

Je me dirigeai dans la petite pièce où était hébergés les clusters de serveurs, trouvai le disque dur et me préparai à installer le dernier implant matériel.

Les battements de mon cœur triplèrent, prêt à exploser. Je doutais soudainement. Et si je me trompais ? Et si je me pressais trop ? Ne devrais-je pas plutôt écouter Kyle et Gabriel ?

Non, je devais essayer. Il le fallait.

Je pris mon courage à deux mains, suivis d'une grande respiration, et l'installai enfin.

Je passai ensuite à la tâche officielle qui étaient la raison de ma présence, et retournai rapidement à RAIA.

Cet implant était ma dernière chance.