R.A.I.A

Chapitre 24

— Parfait, tu t'en sors très bien ! Maintenant, je vais te dire quel roulement faire, puis tu changeras quand je te le dirai. Pour le rythme, tu vas suivre le métronome.

Je la laissai tout installer, puis suivis ses ordres. Elle alternait entre les roulements, de façon aléatoire. J'eu beaucoup de mal dans les débuts, mais je finis par y arriver après de longues minutes.

Nous enchainions enfin sur les exercices de coordination, joignant les pieds au jeu. Cette fois, ce n'était pas aussi simple. J'avais l'impression que mon cerveau n'avait aucun contrôle sur mes gestes. Faire les deux en même temps était d'une complexité bien supérieure.

Cependant, après deux bonnes heures, je réussis quelque peu à donner un rendu satisfaisant.

— T'as l'air épuisé Neziah, tu devrais aller dorm... Ethan ? nous interrompit Kyle, à son réveil.

Il nous jaugea en silence, ne comprenant pas la scène étrange qui se déroulait sous ses yeux. Ne trouvant aucune réponse à ses questions, il se décida à les poser.

— Qu'est-ce que vous faites ? Depuis quand tu joues de la batterie ? Et, Neziah, depuis quand tu laisses quelqu'un y toucher ? C'est...

— Je lui apprends juste à jouer. Et... je crois qu'il est temps pour moi aussi de tourner la page sur mon passé. Je vous vois tous avancer, pendant que j'ai l'impression de reculer. Je ne veux pas risquer de faire la même erreur que Shay.

Je ne comprenais pas ce qu'elle sous entendait, mais Kyle semblait y arriver. Elle non plus n'avait pas l'air d'avoir un passé facile. Comme chaque membre de RAIA, au final. Je crois que j'étais celui qui avait eu la plus belle vie, dans ce groupe.

— Ça vous dérange si je reste ici pour finir mon programme, ou je vous dérange ? nous demanda-t-il de sa voix matinale.

— Non, tu ne nous gênes pas, répondit Neziah.

Cette dernière se tourna vers moi, un large sourire collé sur son visage. Sa bonne humeur la rendait bien plus radieuse qu'elle ne l'était déjà.

Nous continuions mes essaies pendant un long moment, jusqu'à ce qu'une idée me traverse subitement l'esprit. Je ne comptais pas la garder pour moi, sachant pertinemment qu'elle ne me lâcherait pas de sitôt.

— Et si on écrivait une chanson ?

Neziah se figea suite à ma proposition. Kyle décrocha de son écran, sous le choc. Il dévisagea notre amie avec stupeur, qui accepta presque immédiatement.

— Attends... tu es vraiment prête pour ça ? Je comprends que tu veux aller de l'avant, mais c'est rapide, Nez...

— J'en ai vraiment envie, Kyle. Ça fait un moment que je veux me pencher sur de nouveaux textes, mais je n'y arrive pas seule. Je suis sûre qu'avec l'aide d'Ethan, je retrouverai l'inspiration.

Mon corps entier se détendit à ses mots. J'étais soulagé d'avoir libéré mon esprit avant que l'angoisse le doute et la frustration prennent le dessus.

Sans plus de cérémonie, elle sortit de vieilles feuilles blanches jaunies par le temps, ainsi que deux crayons d'un tiroir du bureau de Kyle. Elle les disposa au sol, où nous prenions place l'un en face de l'autre.

— Tu as une idée de ce que tu voudrais qu'on chante ? me demanda-t-elle.

Je pris un court instant de réflexion, n'y ayant pas pensé avant. Peu de choses me venaient en tête qui ne soit pas personnel. Seulement, c'était notre musique, pas la mienne.

— Je ne sais pas... peut-être parler de l'ancien monde ? Toi, tu as des idées ?

— Pourquoi pas une chanson d'amour ? Ces robots en ont bien besoin...

Je sentis mon visage se tirailler de dégout. S'il y avait un sentiment qui me rebutait, c'était celui-ci. En dehors de mes amis et de ma famille, je ne connaissais rien à l'amour. Je n'y voyais que très peu d'intérêt et je comprenais encore moins qu'elle pouvait bien être la différence entre être amoureux et être attaché à quelqu'un. Je n'avais jamais rien ressenti de tel. Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé.

— Toutes tes chansons parlent de ça, Nezi'... Et l'idée n'a pas l'air de ravir Ethan. Vous devriez trouver autre chose, observa Kyle.

Un court silence s'installa, plongés dans notre réflexion profonde. Puis, ce fut comme une évidence dans ma tête.

— Et un cri de guerre contre les Cyberarcos ? Si on a l'occasion de faire bouger les choses, on pourra le faire par cette chanson, ça serait mieux que de...

— Bingo ! Ethan, t'es un génie ! Tape m'en cinq ! s'écria Neziah.

Je fis claquer ma main contre la sienne, provoquant une jovialité contagieuse dans la pièce, puis nous commencions à prendre des notes.

Je pus remarquer sans l'ombre d'un doute qu'elle avait de l'expérience avec l'écriture de chansons, car elle trouva en un rien de temps les bonnes formulations de phrases, pendant que je trouvais les idées de base.

Les mots s'enchainèrent, les ratures également. C'était notre âme, notre vécu et notre rage profonde que nous couchions sur le papier.

Bientôt, se serait nos voix qui résonneraient sur le monde.

Nous ne le savions pas encore, mais cette chanson allait être un hymne à la liberté humaine.