Le rire de Cornelius résonna dans cet immense couloir. Son regard était mauvais, démoniaque, terrifiant. J'étais tétanisé par cette information.
Je connaissais Alaya depuis mon plus de vingt ans. Elle m'avait toujours dit que son père était mort. Elle en avait pleuré de nombreuses fois. Je l'avais soutenue durant des heures, par le passé. À l'annonce du cancer de mon père, Raziel, elle avait même réussi à me faire culpabiliser d'avoir mes deux parents, mais pas elle.
Encore des mensonges qu'elle m'avait craché au visage toute ma vie, sans le moindre scrupule. Malgré ma rancœur récente, j'avais fais le premier pas vers elle pour lui pardonner, parce qu'elle était ma meilleure amie, après tout.
Je la haïssais. Je luis vouais une haine profonde qui n'était pas prête de redescendre.
Et Cornélius n'allait en rien n'aider.
Il enchaîna les coups de pieds dans mon estomac, jusqu'à me faire cracher de grandes quantités de sang. Ma gorge me brûlait, le goût du fer saturait mes papilles. Ma respiration se coupait à chaque choc que je recevais.
— Tuez... Tuez-moi, murmurai-je difficilement.
Son rire machiavélique reprit. Il montrait enfin son vrai visage, le corbeau qui se cachait derrière son apparence angélique.
— Oh, mon cher Ethan... Si seulement je le pouvais... Mais, malheureusement, avec les rumeurs qui tournent dernièrement, ce serait bien trop suspect de te tuer maintenant. À ton avis, que penseraient ces pourritures de Néos s'ils savaient que l'un des leurs, qui est devenu mon bras droit, vient de disparaître au moment même où j'apprends qu'il n'a jamais été un Cyberarco ?
Je n'eus pas la force de répondre, mais je le voulais. Ils sauraient que vous leur avez toujours menti, que vous êtes un monstre avare, égoïste et hypocrite.
— Tu ne sais pas ? Ils penseraient que je t'ai tué ! Non pas que ça me dérangerait, mais je ne prends pas le risque d'avoir du sang de bélîtres sur les mains. Vous êtes tous si naïfs, si minables que je n'arrive pas à croire que vous êtes encore en vie...
Un long soupir s'échappa de ses poumons, désespéré par notre survie.
— Et dire que j'ai tout fait pour vous éliminer... Il a fallu que certains refusent de se révolter contre mes décisions ! J'aurais dus me douter plus tôt de votre niveau de stupidité... Et voilà où je dois en arriver : voler les souvenirs des Néos pour tous vous démasquer.
Ma mâchoire se serrait. Je regrettais amèrement de ne pas savoir me battre aussi bien que Kyle, Shay, Neziah et Gabriel. J'aurais au moins voulu essayer de me défendre, de lui laisser une marque au visage, comme il l'avait fait avec toutes les personnes enfermées dans ce même couloir funeste.
— C'est donc pour ça, que vous mettez vingt-quatre heures avant de rendre les souvenirs aux proches ? m'étranglai-je.
— Oh, mais on dirait qu'on a un petit génie ! Étonnant, venant d'un... Néo, cracha-t-il avec dédains.
Je sentis que mon regard devenait noir, mais cela ne semblait pas l'intimider le moins du monde. Pourtant, il devrait trembler de terreur. S'il doutait un instant de ce qui l'attendait, ce serait lui qui serait à genoux devant moi, à me supplier d'abréger ses souffrances.
— Qu'est-ce que vous voulez de moi, Cornelius ? balançai-je avec rage.
— Enfin une question intelligente...
Il me souleva de toutes ses forces, me traînant tant bien que mal sur le béton glacial de ce sombre sous-sol.
Je restai nu dans cet interminable couloir. Je n'eus pas à ressentir la moindre gêne sous les regards de ces inconnus. Ils étaient dans un état bien plus déplorables que moi.
Ils semblaient tous étonnés de me voir rester si peu de temps en ce lieu, et être sortis de cet endroit par notre monarque. Intérieurement, je me faisais la promesse de leur venir en aide dès que j'en aurais la possibilité.
Dans l'ascenseur, un des policier me tendit des vêtements que j'enfilai à toute allure, malgré l'extrême douleur dans mon corps endolori, afin de ne pas retrouver nu devant de nombreux autres policiers.
Je me doutais qu'ils savaient parfaitement ce qu'ils se passaient dans cet établissement, et que chacun participait, en secret, à ces barbaries.
La porte s'ouvrit sur l'avant dernier étage, celui-ci était également très luxueux, avec un aspect plus médical que juridique, et je compris vite pourquoi, lorsque j'entrais dans une pièce semblable à la chambre de Kyle, en plus raffiné.
Le même type de fauteuil, avec un ordinateur haut de gamme était installé sur la droite de la pièce, face à une immense fenêtre donnant sur les hauteurs de la ville. Cependant, ce n'était que cette inlassable brume opaque qui apparaissait, floutant les néons polychromes des gratte-ciels. Cornelius laissa les membres des forces de l'ordre à la porte, rentrant seul avec moi.
— Installe-toi, exigea-t-il.
J'abdiquai aisément.
Il brancha un de ces câbles, que je ne connaissais que trop bien, à mon implant. C'était devenu le remplaçant de ces terrifiantes aiguilles du passé, que les médecins nous plantaient jadis dans nos veines.
— Qu'allez-vous me faire ?
Ma voix n'était qu'un murmure, alors que mes cordes vocales ne demandaient qu'à hurler.
— Je vais t'installer le programme « Slave ». D'ici deux jours, vous ferez un discours à ces gueux pour leur dire que toutes les rumeurs sont fausses. Vous avouerez être un Néo, et que, bien évidemment, votre présence à mes côtés est une preuve que je ne mentirais jamais sur mes intentions. Enfin, ne vous inquiétez pas des détails, je vous prépare le discours parfait. J'ai bien observé votre façon de parler, personne ne se doutera que ce discours n'est pas de vous, Smith.
— Et si je refuse ? le narguai-je sans vergogne.
Un sourire en coin apparut sur son visage démoniaque. Il ne prit pas la peine de m'observer, restant fixé sur son écran.
— Je crois que vous ne comprenez pas... Vous n'aurez aucun contrôle sur votre parole. Essayez autant que vous le voulez, ce sera impossible.
Je ne pus retenir un souffle de rire niais.
Il tapa sur son clavier à toute allure, puis claqua la dernière touche, s'affalant dans son siège avec fierté. Au même instant, un long texte s'afficha. Au travers, je pus voir le regard sardonique de Cornelius. Je lus chaque mot qui défilait sous mes yeux.
Cher peuple, je vous fais ce discours officiel en mon nom et non en celui de notre monarque. Je tiens à confirmer les rumeurs me concernant. Tout comme nombre d'entre vous, je fais partie de la classe des Néo-Streets. En tant que tel, je peux vous confirmer que toutes autres rumeurs que vous auriez entendu sont entièrement fausses et issues de criminels qui cherchent purement et simplement à créer une révolution contre notre gouvernement. Sachez que Monsieur Venra se bat chaque jour contre les inégalités, avec mon aide. C'est d'ailleurs pour l'aiguiller dans ses décisions qu'il a fait le précieux choix de m'engager. En espérant vous prouver notre bonne foi dans les meilleurs délai, je vous remercie pour votre attention et votre compréhension.
Un éclat de rire nerveux me prit, pour le plus grand étonnement du corbeau devant moi. Il connaissait le doux Ethan naïf et docile. Je pouvais dire sans une once d'hésitation qu'il ne pouvait en aucun cas être préparé au nouvel Ethan rongé par la haine et le besoin insatiable de vengeance.
Il ne savait pas encore que si j'avais pu m'inviter aussi aisément à la MegaCorp, je pouvais alors faire tout ce bon me semblait.
Il voyait les Néos comme des êtres insignifiants, misérables et dénués d'intelligence. Il comprendrait bientôt que sous-estimer son peuple pouvait le conduire à sa perte.
Et j'avais hâte qu'il paye enfin les conséquences de ses actes.
Maintenant, qui de l'humanité ou de la technologie allait gagner ?
Seul l'avenir en aura la réponse.

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R.A.I.A
Science FictionL'an 2044, la planète se meurt sous les yeux du peuple, aveuglés par la censure et la manipulation des Corporations du monde entier. En peu de temps, l'intelligence artificielle a pris une place majeure dans la survie de l'être humain. Des centain...