R.A.I.A

Neziah

Gabriel était parti travailler une fois les explications de Kyle et d'Ethan données.

Une tension électrique s'était installée entre nous, qui ne s'était pas évacuée après son départ.

Ethan m'avait manqué. Terriblement. À en crever. Une partie de mon cœur était heureux de le retrouver, de le revoir, de le savoir sain et sauf. Et mon âme se brisait, en ayant entendu ce qu'il avait subi, à CopsCorp.

Mais je lui en voulais d'un atrocité extrême. Je n'arrivais pas à accepter son manque de confiance en moi.

Comment avait-il pu me cacher son projet, après tout ce que je lui avais confié ?

Il m'avait laissé me morfondre dans une inquiétude profonde, redoublant la moindre émotion qui me traversait.

Durant ces deux semaines, je n'arrivais pas à évacuer ma colère, ma peur et ma tristesse. J'avais perdu tout contrôle sur mes pensées, croyant avec certitude que lui aussi, m'avait abandonné.

La solitude que je ressentais m'avait brisé à chaque seconde. J'avais l'impression de faire des bonds dans le passé, retournant au décès de mes parents et de mon mari, le côté tragique en moins.

La présence de mes amis n'avait pas suffi à combler ce vide qu'il avait laissé. Et son retour ne m'apportait que de la peur. Dorénavant, je savais qu'il pouvait repartir à tout moment, sans un regard, sans un mot, sans un sourire. Je redoutais cet instant avec terreur et émoi.

Je devais prendre mes distances, m'éloigner de lui pour me protéger de ce potentiel départ. Si je m'attachais trop, que mes sentiments envers lui se développaient davantage, et que mes craintes se réalisaient, je dépérirais.

Depuis des années, je prenais grand soin d'ériger des barrières autour de mon cœur et mon esprit. J'étais devenue faible, sensible, plus fragile que du verre. La moindre blessure, le moindre choc m'anéantirait. Je n'avais plus la force d'encaisser quelconque douleur, je le savais parfaitement.

Ma volonté était louable, mais c'était sans compter sur les yeux océans du concerné, qui s'approcha de moi, installé à la batterie dont il avait pris possession. J'avais l'impression que son odeur, semblable à celle du réglisse, s'était imprégnée sur le tabouret et les baguettes. Même si je voulais l'ignorer, sa présence se ferait ressentir éternellement à mes côtés.

— Neziah... Excuse-moi de ne pas t'en avoir parlé... Je le voulais, mais je n'en ai pas eu le temps. Tout est allé si vite... murmura-t-il, cherchant mon regard.

Je fermai les yeux, tapant de toutes mes force sur la caisse claire et les toms. Sa douce voix me prouvait qu'il n'avait pas changé, que l'Ethan dont j'étais tombé amoureuse était toujours là. Il n'avait pas disparu. Et son regard qu'il posait sur moi, empli d'admiration, de passion, d'attention. Je ne voulais pas y faire face. Je voulais me convaincre qu'il était devenu un monstre. J'essayais de faire remonter la douleur de son absence, mais rien n'y faisait. Je n'avais qu'une envie : le serrer dans mes bras.

Mais je me rappelais ses mots si sincères qu'il avait prononcé, dans cette chambre. Il n'était jamais tombé amoureux. C'était des sentiments qu'ils ne comprenait pas, et je savais que je n'en serais jamais l'exception.

À vrai dire, je préférais me servir mentalement de cela comme excuse, plutôt que d'accepter que c'était ma fierté qui agissait à ma place.

Il m'était plus facile de l'accuser de tous les tords, que de laisser libre cours à mes émotions.

Pour cela, je n'avais jamais changé. J'avais toujours été comme ça, et ça ne m'avait jamais rien apporté de bon.

La chanson avait toujours été le seul moyen de m'exprimer, de vider mes pensées, mes émotions, mes peurs et mon amour. Avec Ethan, c'était ma colère que j'avais fait ressortir au travers de notre texte. Soit le sentiment que je n'avais jamais réussi à extériorisé, dont j'avais toujours eu honte, qui me répugnait.